Toits de Paris

01.06.2018
Michael Wolf - Paris roof tops (©Michael Wolf)

Michael Wolf - Paris roof tops (©Michael Wolf)

Michael Wolf est photographe. Le sujet de la vie des villes le distingue. Des gratte-ciels au sans-logis, de la densité au passant, de l’immense édifice au portrait, il photographie le fourmillement immobile du bâtiment et la prolifération d’interférences indifférentes d’une agglomération.

Michael Wolf est né à Munich, a été élevé au Canada, étudié à Berkeley et partage son existence entre Hong Kong et Paris. Entre autres sujets, ses travaux photographiques de l’urbanité ont notamment scruté Honk Kong, Tokyo, Chicago et Paris. Photographe pour le magazine Stern à Hong Kong pendant 8 ans, il se consacre à son œuvre depuis 2001. En étudiant aussi les villes au travers du prisme de Google-map, en en sélectionnant des cadres ou des portraits au sein des photographies disponibles, son travail comporte aussi un pan réflexif sur la photographie à l’ère de l’omniprésence des images, et donc sur le positionnement du photographe.

Son travail intitulé Street Views avait en partie porté sur Paris, par sa sélection de photos cadrées à l’intérieur des photographies proposées par la base de données de Google Earth. Mais Michael Wolf souhait photographier Paris à nouveau. Or ce sujet déjà si photographié lui donnait à penser, car comment donner une vision nouvelle de la ville ? Les ombres portées des arbres sur les façades furent une première approche. La solution lui vint en prenant de la hauteur. Les toits. Ces faîtes d’édifices parisiens, leur zinc si caractéristique datant des grands travaux entrepris par le préfet de la Seine Georges Eugènes Haussmann, sous le Second Empire, dans la seconde moitié du XIXe siècle.

L’idée de Wolf n’était pourtant pas si neuve, déjà le tableau de Gustave Caillebotte « Vue de toits (Effet de neige) » (Musée d’Orsay) peint vers 1878-1879 avait mis le sujet en faveur pour les artistes et depuis les photographies des toits de Paname sont innombrables.

Mais ce connaisseur des villes qu’est le photographe parvient à étonner le regard. Ses angles se concentrent sur les seuls toits, indépendamment des structures, des immeubles et des rues, comme il avait photographié des buildings sans saisir la rue ou le ciel, pour seulement mettre en la valeur de l’artifice formel, comme une construction abstraite.

Petites cheminées rouges,  aplats de ciment, revêtements de zinc, murs et arêtes emplissent le champ de vision, parfois quelques ardoises, ici et là un pigeon, mais aussi quelques intérieurs surpris par une fenêtre, parfois même quelque humain, ouvrier ou habitant. Et c’est alors un Paris tout à la fois nouveau et immanquablement reconnaissable qui s’y étale à perte de toits, en une répétition de teintes grises, beiges, blanches et rouges que le photographe saisit remarquablement.

Et les innombrables conduits en tuile des cheminées de cette série de photographies « Paris roof tops » de  Michael Wolf nous rappellent à ce vers de Raymond Queneau (cité par Georges Perec dans Espèces d’espaces) : « Les toits de Paris, couchés sur le dos, leurs petites pattes en l’air. »