Naturellement, un parfum s’adresse à l’odorat. C’est un pléonasme. Certainement, se référer à la synesthésie pour parler de l’Eau des Sens est une métaphore. L’eau de toilette se vaporise sur la peau. Mais l’orange se mange. Et l’orange est une couleur. Que faut-il donc y entendre ?

C’est la présence retrouvée de la fleur, du zeste du fruit, cette pellicule colorée et parfumée de l’agrume, puis de la ramure et de la feuille de son arbre, par leurs essences ou synthèses respectives, dans une seule eau parfumée, qui justifie l’illustration synesthésique. Du bois au pétale, de la fleur au fruit, du dur au volatile, du rêche au doux, de la verdeur à la maturation, de l’amer au sucre, des couleurs de chaque état, de la matière à ses parfums… ce cycle s’adresse tour à tour aux sens humains du toucher, du voir, du respirer, du goûter et quoique l’écoute soit ici moins manifeste, elle n’en est pas absente. C’est affaire d’entente.

Un parfum rayonne d’une radiance évocatrice, intimant les mémoires à comparaître, et restituant ensemble des sensations synchrones. L’idée maîtresse de la composition de l’Eau des Sens a alors été l’évocation sensorielle, la perception olfactive invitant les autres sens, ou leur mémoire, tout comme certains synesthètes voient un son se déplacer en couleur dans le ciel, ou goûtent et sentent une note de musique. La restitution en fragrance de toutes les essences issues du Bigaradier, de son fruit et de ses fleurs, autorisant, inspirant et orientant de telles correspondances sensitives.

Un parfum n’est jamais un jus de laboratoire : ça n’est pas raconter des histoires qu’écrire qu’une senteur complexe naît d’une histoire de recherches, d’accidents et d’échanges, puis qu’une fois en vie elle appartient aux histoires de chacun, au vent des jours et des humeurs, de soi et des autres… Le parfum est un compagnon de sensations. Sa douce et insaisissable abondance se fusionne de fictions personnelles, de mots, de silences, d’images, de souvenirs, d’espoirs, d’émotions. Voilà le vœu de l’Eau des Sens : inviter des histoires où tous les sens ne font qu’un.