Le voyage de Magellan

10.06.2016
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Fernand de Magellan entreprit de rejoindre l’archipel indonésien des Moluques en  mettant le cap à l’ouest. Cinq vaisseaux avec 237 hommes quittent l’Espagne en 1519. Seul le Victoria y revient, 3 ans après avec 18 hommes, sans Magellan : ils avaient fait le premier tour de la Terre par la mer.

Le nom de Magellan est associé à la rotondité de la terre qui était pourtant un fait acquis depuis l’antiquité grecque, indiscuté par les Pères de l’Eglise. On lui reconnaît le premier tour du monde par mer que sa mort en cour de périple l’empêcha de mener à bien. On le sait encore portugais alors qu’il voyageait pour le compte de de Charles Quint, empereur romain germanique et roi d’Espagne. Mais il traversa le premier cette terre d’Amérique découverte par Christophe Colomb – lequel était toujours demeuré persuadé qu’il avait abordé en Extrême-Orient – par le détroit qui porte son nom en Patagonie. Le premier aussi, il traversa cette mer dite du sud qui devint l’océan Pacifique parce qu’il n’y avait essuyé aucune tempête. C’est enfin grâce à ce voyage que preuve fut faite que les océans communiquaient – on les croyait de grands lacs clos. Le voyage de Magellan ouvrait les mers sur une nouvelle ère du monde.

L’enjeu évangélique et l’exploration géographique de cet exploit proprement démesuré à une époque où les longitudes étaient inconnues n’étaient pas sans la motivation lucrative des épices, matière précieuse comme l’or : girofle, noix muscade et poivre – vendu au grain, étaient éperdument convoités. Longtemps, les marchands arabes en connaissaient seuls l’origine : les iles Moluques. Ils convoyaient les épices jusqu’au port d’Alexandrie en Egypte, où elles passaient sous la coupe du monopole de la République de Venise. Mais ces grands navigateurs qu’étaient les portugais parvinrent en Inde et en Malaisie par le cap de Bonne Espérance, prenant le contrôle du trafic des épices. Un conflit armé avec l’Espagne menaçait. Le pape trancha donc d’une bulle, Inter Caetera (1493), suivie d’un traité divisant le monde entre une partie orientale dévolue au Portugal, et l’occidentale à la Castille. L’enjeu espagnol devenait donc de joindre les Moluques par la voie de l’ouest…

Débouté par le roi du Portugal, Magellan se proposa au futur Charles Quint, qui arma cette flottille dont le dessein officiel était de cartographier les limites des domaines de deux empires. Le voyage eut son lot de tribulations : mutineries, trahissons, condamnations, défections, scorbuts, pénuries, dissensions… Mais la découverte puis la sortie de la passe navale en Terre de Feu menant au Pacifique fit pleurer de joie le redoutable aventurier. Il perdit la vie aux Philippines en 1521, où après avoir converti au christianisme le roi de l’ile de Cebu, dûment baptisé avec les siens à la lance d’arrosage, il essuie le refus de celui de l’ilot voisin, le roi Lapu-Lapu de Mactan. Décidant de ne faire qu’une bouchée de cette résistance, il meurt sous les flèches empoisonnées pendant l’assaut. Son corps est abandonné sur la plage. C’est Juan Sebastian Elcano, pourtant opposé à Magellan, qui parviendra aux Moluques, y faisant provision d’épices, puis rejoindra l’Espagne en 1522 malgré les portugais qui n’eurent de cesse de l’en empêcher.

« Ils entrèrent dans Séville en procession, nu-pieds et en chemise, chacun tenant un cierge allumé à la main, pour rendre grâce à Dieu de les avoir reconduits vivants à bon port » (Antonio Pigafetta, chroniqueur du périple). L’essentiel des informations rapportées ici sont empruntées à un article du grand sinologue et érudit Simon Leys (1935-2014) qui y rendait compte de l’ouvrage Voyage de Magellan (1519-1522). La relation de Pigafetta et autres témoignages (Editions Chandeigne, Paris, 2007).