Fragrant délice

26.03.2015
Voyage-new

Arômes, épices, bouquets, les odeurs invoquent le voyage et invitent les souvenirs. Des images naissent en les humant, qui s’animent comme en rêve.

Desmond Knox-Leet descendait d’une lignée irlandaise originaire d’Ecosse et portait en lui cette culture des fermes isolées des landes celtiques irriguées des richesses des confins de l’Empire britannique. Yves Coueslant avait passé son enfance au Vietnam, aux chaleurs imbibées charriant des parfums entêtants. Christiane Gautrot avait grandi près des grands bois de Fontainebleau, son territoire d’incursions buissonnières… Ainsi les trois fondateurs de diptyque étaient traversés de réminiscences chargées d’exhalaisons lointaines. Mais l’invention de fragrances évocatrices n’était pourtant pas l’intention première des trois artistes.

C’est autour de 1963 et 1964 que se noue l’épopée aromatique de diptyque. D’abord, conseillés par un cirier, le trio se décide de créer des bougies de senteurs de diptyque. Les parfums imaginés par Desmond sont l’aubépine, le thé et la cannelle. C’est le tout début de diptyque comme concepteur de senteurs, une aventure toujours en cours. Mais c’est aussi le départ d’une autre aventure : diptyque comme distributeur de parfums jusqu’alors inconnus en France.

Desmond Knox-Leet entreprend de faire connaître la tradition typiquement anglaise du parfum. Elle prend ses origines chez les barbiers du XVIIIe siècle. Les Anglais excellent à composer des tonalités qui compensent l’humidité brumeuse du climat insulaire. Ils créent des fragrances puisées dans une richesse du Common Wealth : ses épices aux évocations exotiques, comme le vétiver ou l’Ylang Ylang. Leur style est printanier, vif, franc, sain. Ce sont des eaux de toilettes fraiches, toniques et soutenues.

Les grandes marques de parfumerie anglaise sont Floris, Culpeper, Trumper, Penhaligon’s. Il y a aussi les fameux vinaigres de toilette de chez Rimmel, aux noms dépaysants, tel le Bay Rhum de Jamaïque, un after-shave répandu chez les colons des îles Vierges et de la Barbade, ou le West Indian, le Sicilian Lime… Les eaux de toilette vendues par diptyque évoquent un monde d’avant et d’aventuriers.

diptyque propose aussi alors du savon, dont des savons à barbe, de la poudre de talc parfumée, des masques de beauté comme ce Violet Oatmeal à base d’avoine à confectionner soi-même, de chez Rimmel encore. On y trouve aussi des « pots-pourris », ces coupes de fleurs séchées, accrochés dans les armoires. diptyque distribue alors le Redouté de Mrs Merwin, une amie du trio, qui en tient la recette inchangée depuis le siècle élisabéthain. Ce sont des fragrances typiques de l’Angleterre. La boutique propose aussi le pomander de Culpeper, à base d’oranges séchées piquées de clous de girofle d’Indonésie. On y trouve encore le « Hathaway Rose », une boule de porcelaine percée de petits trous, remplie de confections aux senteurs suaves.

Les odeurs que Desmond Knox-Leet respirait dans les manoirs d’Ecosse et d’Irlande de ses jeunes années sont devenues des succès en France.

L’étape suivante s’impose : créer une eau de toilette diptyque. L’Eau réanime et régénère une recette du XVIe siècle, mêlant santal, cannelle, rose, clou de girofle et géranium. Intentionnellement adressé aux femmes et hommes, cette eau de toilette de 1968 vise un style, non un genre. La vocation de diptyque est née : ce n’est pas celle d’un parfumeur à part entière, mais celle d’un concepteur de senteurs qui ré-insufflent de la mémoire dans le présent grâce aux bougies, aux eaux et parfums, puis plus tard avec les techniques de la cire froide, du sablier et d’un diffuseur breveté par la Maison. L’aventure se propage comme un parfum.