Qui a peur de pot-pourri ?

16.02.2015
Rosa_gallica_aurelianensis

Qu’est-ce qu’un pot-pourri exactement ?
Pourquoi serait-il redouté ?
Et d’abord qui est donc cette Mrs. Merwin ?

Seul un sortilège d’ironie a pu transformer une expression aussi rebutante que pot-pourri en synonyme de senteurs raffinées. Le pot-pourri est un assemblage végétal odorant dont on a fait sécher les composants ensemble. C’est une composition olfactive. Une œuvre d’arômes.
Traditionnellement, il est composé de pétales de fleurs, d’épices, de graines et de fruits, séchés séparément ou ensemble. Beaucoup sont organisés à partir d’une orange entièrement recouverte de clous de girofle plantés dans l’épicarpe. Si le bouquet du pot-pourri est destiné à l’air libre, son élaboration ne s’évente pas. Secrets de familles.
C’est à Provins que l’on découvrit l’art d’épanouir la propriété unique des pétales séchés de la rosa gallica : conserver leur parfum. Cette rose devint la rose d’apothicaire de Provins. Leurs savantes confections de pétales séchés devinrent des cadeaux de rois. Elles s’exportèrent en Europe et jusqu’aux Indes, avant que de traverser l’Atlantique. L’Angleterre fut un des premiers clients des apothicaires de Provins, et demeura l’un de ses plus fidèles.
L’arrivée des pétales de rose séchés de Provins marqua la naissance de l’art anglais du pot-pourri. Le jardinage étant une vielle passion anglaise, le pot-pourri devint une pratique populaire. Chaque maîtresse de maison agrémente alors sa composition de ses savants séchages, dont les pétales des roses personnellement cultivées par l’époux, souvent d’origines françaises – les rosiers, non les époux.

Mais cette Mrs. Merwin alors ?
Elle fit connaître aux fondateurs de diptyque un pot-pourri qu’elle assurait tenir en droite file de son aïeule anglaise du XVIème siècle élisabéthain. Elle était catégorique : son pot-pourri était le dernier qui fut encore entièrement naturel, sans aucun élément synthétique. En conséquence de quoi il devait être gardé dans un bocal de verre ou de porcelaine. Sa matière poudreuse le disposait mal à l’emploi en sachets. On sera peu surpris d’apprendre que Mrs Merwin n’aimait pas les sachets. En papier passe encore, mais en plastique ! passez votre chemin.
Elle fournit la boutique de son pot-pourri enchanteur nommé « Le Redouté ». Elle en proposait trois couleurs : « thé » aux tons cuivre, « gallica » aux tons rouge foncé, « damas » aux tons rose pâle, selon la rose qu’elle lui affectait. La boutique le présentait dans de larges bocaux. Il était vendu en sachet, le temps de le verser chez soi dans un noble récipient. Le succès du Redouté fut durable. Des années après, resté dans un bocal ouvert, son arôme s’est un peu estompé mais demeure vivant, comme un grand vin un peu madérisé. Aujourd’hui diptyque a souhaité en rallumer sa flamme olfactive en le transformant en bougie au large format de cierge.

Mais alors pourquoi » Le Redouté » ? Qu’a-t-il de si terrible ce pot-pourri ?
Ce nom est bien sûr un hommage au célèbre graveur Pierre-Joseph Redouté (1759–1840), spécialisé dans le dessin botanique. Il fit des portraits de roses d’une grande vérité. Cet artiste botaniste croyait en l’union de l’érudition scientifique avec l’exécution artistique. Bonaparte l’emmena dans son expédition en Egypte. Il jouissait de l’estime du plus célèbre peintre d’alors, David. Puis le romantisme le ringardisa. Il restera le grand peintre de la rose.