Eadweard Muybridge

14.05.2015
Eadweard J. Muybridge - Valley of the Yosemite, from Rocky Ford. No. 4, 1872.

Eadweard J. Muybridge - Valley of the Yosemite, from Rocky Ford. No. 4, 1872.

D’une nature délicate, ouvragée et féérique à une nature grandiose, originelle et dangereuse : l’évocation récente du travail de Terri Weifenbach rentre en résonance contrastée avec l’œuvre d’Eadweard Muybridge.

Son œuvre est absolument majeure. L’être était extravagant. Sa vie invraisemblable. Pour ce caractère impossible, tout était possible. Sa force vitale hors du commun fut vouée à la photographie. Il appartient à cette poignée de personnages plus grands que nature qu’a produit le XIXe siècle : forte carrure, grande barbe, infatigable, aventurier, trompe-la mort, inventeur extraordinairement ingénieux. «Cet homme est fou, c’est un génie, mais il est complètement fou » dit de lui Thomas Edison.

Il photographia le premier la nature immense. Ses clichés des monts Yosemite sont légendaires. Leur beauté le doit d’abord à son courage, puisqu’il escalada seul des parois périlleuses, matériel au dos, ses assistants ayant décliné l’ascension. Penché sur des saillies de falaises, Muybridge se crée des points de vue fantastiques. A l’époque, les photos en plein air sont frappées par la surexposition du ciel et des nuages. Il invente donc le premier filtre pour la partie haute de l’objectif. Mais si nécessaire, il substituait un autre ciel photographié séparément lors de l’impression finale du paysage, avant les années 1870 ! Ses prises de vue des espaces naturels sont si stupéfiantes que le gouvernement américain le missionne pour photographier la future Alaska, alors juste acquise auprès de la grande Russie, pour en justifier l’achat auprès d’une opinion dubitative.

Plus tard, au fil de plusieurs tentatives et perfectionnements techniques exclusifs de 1872 à 1878, Muybridge créera un précédent dont on se représente difficilement l’importance : la photographie animée du mouvement. En séquençant les prises de vue et ajustant les images, le galop du cheval est enfin décomposé. Il confirme la théorie du Français Etienne-Jules Marey. L’impact est mondial. Ses panoramas de la nature et de San Francisco avaient déjà fait le tour du monde. Il devient célèbre. Par la suite, il améliorera son système pour produire son grand œuvre : la décomposition des mouvements des êtres vivants: chien, chat, oiseau, chameau, lion, panthère, kangourou, éléphant et êtres humains. Il publie Animal Locomotion en 1887.

Le nu descendant un escalier de Marcel Duchamp s’inspire du travail d’Eadweard Muybridge. Futuristes, Dadaïstes, Constructivistes et jusqu’à Francis Bacon créent des œuvres référencées à son œuvre. Philip Glass lui consacre une sorte d’opéra : The Photographer.

Des photos d’Eadweard Muybridge sont exposées au Grand Palais dans le cadre de l’exposition Lumière ! Le cinéma inventé.