Un pluriel singulier

19.01.2015
pattern

Du crime au tapis, ce n’est jamais qu’une histoire de motif. La motivation et le sujet ornemental ont chacun une problématique respective très étrangères l’une à l‘autre. Alors qu’en est-il lorsqu’il s’agit de les accorder ? Non le tapis à l’homicide mais plutôt par exemple : la bonne illustration pour servir la juste intention ?

La création d’Eau Plurielle est une mise en relation. D’une part, comme un delta qui réunit deux fleuves, la rencontre entre le lierre et la rose. Ce sont deux mondes olfactifs et symboliques différents. Dans l’histoire des eaux de toilette de diptyque, lierre et rose furent toujours distincts. Voilà un premier pluriel. D’autre part, Eau Plurielle met en relation ces destinations diverses que sont la peau, ses vêtements, des draps pliés dans l’armoire ou l’air de la pièce. Voilà le second pluriel. Naturellement, ces deux mises en relation se concilient : la composition verte et vermillonne des propriétés de ces végétaux sert leurs usages à la rose des vents. Ainsi ce pluriel des pluriels.

L’illustration a toujours été une signature de diptyque, fondé par trois artistes. Le dessin de la boite d’Eau Plurielle a donc répondu à la thématique de la mise en relation : celle des graphismes primitifs d’Eau de lierre et d’Eau Rose. Mais aussi de la mise en relation au sens des créations d’art contemporain qui mixent styles, époques, classifications, champs culturels et hiérarchies : l’art des temps présents considère ce qui l’a précédé comme un stock de données, et s’y sert comme dans un magasin où il puise ce dont il a besoin selon ses intentions esthétiques ou conceptuelles. L’art contemporain déroute au sens propre avant même son figuré. C’est parce qu’il procède beaucoup par détournements. C’est dans cette optique que diptyque a confié ces deux illustrations d’étiquette à la designer Florence Bamberger : pour les détourner, les réinterpréter et en donner une nouvelle proposition graphique.

L’artiste a opéré sur ces motifs originaux de la Maison ses traitements de mixage, de stylisation inspirée de la culture graffiti à la touche pulp et au trait de comic book, y appliquant une bi-coloration schématique, délavée et comme éclaboussée d’eau. Une illustration plurielle par mise en relation, donc.

Comment ne pas rendre ici hommage, par association d’idées, au compositeur Morton Feldman, qui transposa en 1978 les motifs d’un tapis turc en une pièce musicale intitulée « Why patterns ? ».