Le Maubert d’alors

19.03.2015
boutique diptyque vitrine

En 1961, le quartier de Maubert – Mutualité où diptyque ouvre boutique est à mille-lieux du quartier Saint-Germain d’à-côté. Ambiance, fréquentations, activités, rythme, confort, conditions sociales : tout en diffère. Ce sont deux petits mondes contigus.

Le boulevard Saint-Germain traverse les 7e, 6e et 5e arrondissements de part en part comme un grand fleuve indifférent. En ce temps, Saint-Germain était plus bourgeois, plus jeune et plus savant du fait de l’implantation de la Sorbonne et son cortège d’Ecoles et lycées prestigieux, plus émeutier et perturbateur par tradition, enfin plus international, pétaradant alors son grand train de fêtes et concerts, chansons et jazz, où la nuit touillait toutes sortes d’huiles ensemble : mandarins et fripouilles, notables et jouvencelles, artistes et journalistes, esthètes et curieux, donnant naissance à une nouvelle intelligentsia des Bars et Lettres.

A-contrario, le quartier de Maubert était plus silencieux. Moins moderne, plus laborieux au sens des valeurs d’avant-guerre. Il y avait alors beaucoup d’ateliers d’artisans, de chiffonniers, de fripiers. Des gargotes modiques et savoureuses. Des troquets typiques. De petites boutiques. Des hôtels de pension à la semaine ou au mois. La place Maubert accueillait un grand marché au pain et aux fruits et légumes de temps immémoriaux. La Maison de la Mutualité créée dans les années trente est investie par les partis de gauche français, renforçant la disparité entre les deux quartiers. Une communauté asiatique provenant des colonies de l’Empire français, particulièrement de Cochinchine et du Tonkin, s’était intégrée au quartier. De nombreuses cantines vietnamiennes courues pour leur excellente restauration. C’était un quartier très agréable le jour, riche du mélange de populations liées par le bon aloi de la décence populaire. Industrieux, modeste, cosmopolite, voire encanaillé à la nuit tombée, Maubert était un endroit vivant et plaisant à vivre.

Entre la Libération et les années soixante, cette polarité entre Maubert et Saint-Germain se nivelle, les populations se mélangent, les biens circulent, les vases communiquent. Mais le quartier Maubert conserve son identité populaire.

Le trio d’amis qui fonde diptyque n’est pas bien riche. C’est le père d’Yves Coueslant qui finance leur entreprise, leur octroyant un budget limité. Ce quartier d’artisans leur plait. Le local de la boutique, ancien troquet, ancienne boutique de lingerie, a d’abord l’avantage de donner sur le grand boulevard. Il a aussi la chance d’être face de la piscine Pontoise très fréquentée d’étudiants. Le sort en est alors jeté.