Christiane et les zelliges

01.10.2015
Zellige-Christiane

C’est la géométrie organisant un motif de zellige qui ordonnance sa réplication à l’identique, illimitée, dans toutes les directions… Aussi cette technique ornementale traditionnelle du Maghreb symbolise à merveille les associations moléculaires qui font l’ossature invisible d’un parfum.

Hérité des mosaïques romaines et byzantines antiques, le zellige est sa réinvention par les Arabes, qui taillent et agencent des morceaux de faïence colorée, suivant des schémas savants élaborant une combinatoire tonale. La représentation d’êtres humains, parfois d’animaux, étant prohibée dans l’Islam traditionnel, ce motif décoratif fit proprement flores – comme une fleuraison ornementale recouvrant les murs de palais ou de tombeaux, les fontaines, patios et hammams, ainsi que de mosquées. C’est un art né au Maroc vers le Xe siècle, enrichi par diverses traditions dynastiques, les Almoravides venus de désert, les Almohades du Haut-Atlas, plus tard les Mérinides d’origine nomade berbère. Les zelliges sont un émerveillement optique.

Diplômée de l’Ecole des Arts Décoratifs de la rue d’Ulm, Christiane Montadre-Gautrot, la fondatrice de diptyque avec Desmond Knox-Leet et Yves Coueslant, avait ce don de création manuelle : elle savait donner forme à ce qu’elle voyait. Petite, c’étaient chapeaux, poupées, vêtements. Plus tard, mannequins et tapisseries, dont une fut exposée au salon des arts décoratifs au Grand-Palais. Pour diptyque, elle conçoit avec Desmond beaucoup des motifs de tissus, puis compose des bijoux et divers objets. Elle aimait le composite des matières et des couleurs. Passionnée d’architecture et d’histoire, elle est aussi commissionnée pour repenser une façade parisienne dont elle réhabilite sa polychromie.

Il n’est donc pas surprenant que le zellige fut une passion de Christiane Montadre-Gautrot. Elle est appelée au Maroc pour concevoir de colossaux panneaux décoratifs de zelliges et des mosaïques de terre cuite vernissée pour des résidences de dignitaires. Sa fructueuse collaboration avec l’architecte Michel Pinseau lui permet de signer les décors du pavillon du Maroc lors de l’Exposition internationale de Séville en 1992, puis concevoir nombre des motifs de zelliges de la Grande Mosquée Hassan II de Casablanca. Forte d’avoir longtemps étudié l’artisanat traditionnel du zellige, son talent fut d’y incorporer de nouvelles formes et associations chromatiques, inspirées par son inclination pour l’art contemporain.

Pour leur beauté, mais aussi pour leur résonance avec la petite histoire de diptyque, les zelliges entrent en correspondance avec l’eau de parfum Oud Palao : sa structure corpusculaire s’organise comme une mosaïque de matières premières étrangères et lointaines qui toutes ensemble semblent tel un corps pur.