William Morris : l’empreinte d’un visionnaire

05.01.2015
by Walker & Boutall, after Frederick Hollyer, published by  Longmans, Green & Co, photogravure, published 1899 (1874)

by Walker & Boutall, after Frederick Hollyer, published by Longmans, Green & Co, photogravure, published 1899 (1874)

La National Portrait Gallery a consacré une grande exposition au travail et à l’héritage de William Morris, qui prendra fin dans quelques jours. William Morris (1834-1896) fut poète, romancier, traducteur, illustrateur, décorateur et peintre, confrère des préraphaélites, architecte, imprimeur et éditeur, ainsi que concepteur et fabricant de textiles et d’objets d’artisanats, enfin conférencier et acteur politique du socialisme anglais. Il meurt donc d’exténuation à 62 ans à peine.

Avec d’autres, il initie le mouvement « Arts & Crafts ». S’érigeant contre la hiérarchie issue de la Renaissance entre arts majeurs, beaux-arts et arts mineurs qui conduit dans l’ère industrielle à la reproduction en série et à l’asservissement de l’homme à la machine, il prône le ré-ennoblissement de l’artisanat : la beauté d’une pièce doit naître du plaisir que l’homme éprouve à la créer. Pour Morris, le plus grand artiste restait un artisan ; l’artisan le plus humble était aussi un artiste. Révulsé par la laideur des productions de son temps, Morris lutta pour que les arts décoratifs honorent le travail du savoir-faire des siècles et qu’ils apportent de la beauté à chacun par l’usage quotidien. Son ennemi moral et esthétique était la falsification produite par tout usinage.

Ce mouvement essaimera à la fin du XIXe siècle en Europe comme en Amérique du Nord. Arts & Crafts fut le terreau théorique et stylistique de courants essentiels : l’Art Nouveau au tournant du siècle : Victor Horta utilisera les papiers peints dessinés par Morris ; le Bauhaus : Walter Gropius citera William Morris parmi ses influences. Plus tard encore le Mouvement moderne conduit par Le Corbusier en France.

Ce refus de distinction entre arts majeurs et mineurs, la célébration du travail manuel, le vœu d’un art pour tous, avaient une ambition sociale : travail bien fait, bien-être, équilibre des échanges et beauté de l’objet ne font qu’un pour William Morris. Il applique ces principes dans la manufacture de décoration qu’il fonde, et qui aura un grand succès commercial. Ses étoffes imprimées, tissées, ses tapis et papiers peints, tous dessinés par lui-même et ses amis Edward Burne-Jones et Gabriel Dante Rossetti sont des perfections de composition, de coloris et de façon. Aujourd’hui, la Morris & Co continue de commercialiser des motifs dessinés par Morris et ses amis.

Il verse à ses ouvriers des salaires supérieurs aux rémunérations d’alors. Il leur reverse les bénéfices de sa société, minorés d’une ponction dévolue à la propagande socialiste. Ses idées l’engagent naturellement dans la politique : il est un acteur essentiel du socialisme britannique. Il promeut les droits de la Femme. Contre les ravages causés par les industries, il a des considérations environnementales que notre époque qualifierait d’écologiques. Il sacrifie sa santé en conférences politiques. Tony Blair tout juste élu Premier Ministre le nomma l’un de ses trois héros.

Il composa d’ailleurs une utopie socialiste pleine d’humour : News from nowhere. Mais William Morris connut la renommée pour ses œuvres de poésie et ses romans inspirés de légendes médiévales. Il traduit les mythes d’Islande dont il parlait le vieux Norrois : il composa alors aussi des histoires fantastiques, qui furent une forte influence de J.R.R. Tolkien, le père du Seigneur des Anneaux.

Il fonda enfin une maison d’édition, d’imprimerie et de fonderie typographique, la Kelmscott Press. Son édition des œuvres de Geoffrey Chaucer, le dit père des lettres anglaises du XIVe siècle, reste une référence éditoriale pour les collectionneurs. Passionné de typographie gothique, Morris inventa et dessina entièrement trois polices d’impression…

Son dernier souffle fut donc précoce : constatant son décès, le docteur déclara : « Sa maladie fut celle d’être William Morris, et d’avoir accompli plus que dix vies humaines. ».

Admirateurs de W. Morris les fondateurs de diptyque voulurent être ses disciples : ils partageaient la passion de l’artisanat, de l’objet unique, du temps nécessaire à la belle œuvre. Leurs premiers travaux furent la création de tissus dont ils composaient les motifs. Les tissus de diptyque précédèrent de plusieurs années la conception de bougies et de fragrances. Pendant des décennies, la boutique diptyque proposa des reproductions de gravures de William Morris.