La voie des fleurs

09.07.2015
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L’Ikebana est un art traditionnel japonais d’arrangement floral. Dans le lointain passé bouddhiste, les fleurs composaient une offrande rituelle faite aux disparus. Cette tradition s’est détachée de ses racines religieuses pour devenir au Japon une discipline chargée de significations symboliques.

L’Ikebana a plus de 600 ans. Cet art a connu plusieurs styles et plusieurs écoles. Comme souvent au Japon, il fut d’abord la prérogative de la noblesse et du clergé, avant d’essaimer dans les classes populaires, puis connaître de nouvelles formulations avec la modernité.

A la différence du bouquet de fleurs occidental dont l’esthétique est toute chromatique, l’Ikebana n’a pas une fonction décorative : son harmonie nait d’un équilibre codifié entre les matières, les couleurs et les lignes de force. Ce rythme manifesté par une œuvre d’Ikebana renvoie à un équilibre universel entre ciel, terre et humanité. Comme pour tout art nippon, sa définition en quelques expressions ne peut rendre compte du travail intérieur de l’artiste qui s’y adonne, où silence, concentration et perception participent de l’art d’agir justement – ou de bien faire !

Outre la fleur, l’Ikebana comprend toutes les matières végétales : tige, bourgeon, fruit, feuille et bois vivants comme morts, mousse… Mais encore le vase ou pot et tous les matériaux employés. Ainsi qu’enfin le vide, cet espace créé entre les éléments dont la disposition doit être asymétrique. La beauté produite est artificielle, c’est-à-dire introuvable en l’état dans la nature, mais renvoie à une sérénité cosmique.

En Occident, l’Art Nouveau, puisant son inspiration dans les formes végétales, sera très sensible à l’art de l’Ikebana : son asymétrie apporte une respiration dans la géométrie héritée de la Renaissance. Son aspect artisanal et jamais reproductible est aussi un modèle pour des artistes tels que  William Morris ou Joseph Hoffmann, qui se réfère aux disciplines esthétiques du Japon.

Plus récemment, l’artiste contemporaine Camille Henrot s’est inspirée de la syntaxe silencieuse de l’Ikebana dans son œuvre Est-il possible d’être révolutionnaire et d’aimer les fleurs ? La forme de l’Ikebana y est détournée pour transposer une bibliothèque occidentale, où chaque livre est exprimé par un agencement floral, selon un code conçu par l’artiste. Cette installation tire son origine de la vertu consolatrice qui est commune aux fleurs et à la littérature.