Variations d’une mémoire dans l’ombre

28.04.2017
cygne-crayonne

Ainsi va l’histoire d’une mémoire tapie dans la mousse. Ce sont souvenirs à tâtons. L’ombre vague dans l’onde puis fuit dès que perce un rai de jour sous le bois touffu qui enceint l’étang sombre. Voici le rêve d’un oubli dont ne demeure que le parfum : L’Ombre dans l’Eau.

Christiane Montadre avait un souvenir perdu, mais aigüe. C’était une promenade. Toute seule. Elle s’était probablement perdue. La mémoire qu’elle en conservait était vive et vague. Seuls quelques parfums forts élançaient son souvenir.  De mousse humide, de cassis, d’un enclos végétal, impénétrable et secret, regorgeant de sèves. Un parfum vert baigné de silence et parcouru des frémissements de l’eau. Elle se souvenait avoir fermé les yeux pour s’emplir de cet air presque aqueux, détrempé de parfums vivants et dormants.

Les images affluant du fond du temps étaient aussi nettes et incertaines que celles d’un rêve. La chose sûre, c’est qu’elle avait franchi un enclos abandonné. Elle se trouvait dans un jardin rendu à l’état de nature. C’était rien moins que l’Eden, et pourtant n’était-ce qu’un ancien jardin de curé. Il y avait un petit étang ombré de ramures. Avait-elle vraiment vu ce cygne ? « J’en jurerais », disait-elle, et pourtant, il lui semblait que ses yeux étaient solennellement clos lorsqu’elle le vit silencieusement fendre l’ombre.

L’Ombre dans l’Eau narre l’histoire de cette réminiscence. De cette sensation d’avoir été dans un lieu qui n’était pas de ce monde tant il était le paradis même. Mais qui était ce monde même, quand il se donne aux yeux d’un enfant. Aux yeux qui hument.