Turkish Delight

29.01.2018
Turkish Delight (1973) de Paul Verhoeven

Turkish Delight (1973) de Paul Verhoeven

Les associations d’idées se propagent comme une trainée de sucre. Turkish Delight (loukoum), est le titre d’un film de Paul Verhoeven de 1973. Cru et braqué contre la bienséance, le film exhibe à l’écran le brio cinématographique encore vert du réalisateur.

Turkish Delight est l’adaptation d’un roman de Jan Wolkers paru en 1969. Cet écrivain étant aussi un artiste sculpteur, comme l’est Erik, son protagoniste, certainement y a-t-il dans cette histoire la part autobiographique d’un jeune homme ayant bu le calice des sixties avec une avidité obscène. Il y a comme une dégénérescence hippie en ce jeune homme du début des années 70.

Erik est interprété par Rutger Hauer en qui Verhoeven pensait avoir trouvé son Marcello Mastroianni (pour F. Fellini) ou J.P. Léaud (pour F. Truffaut). L’acteur y fulgure de vitalité violente et débridée comme brille sa blondeur. Séducteur effréné, mâle imbu, malpropre et ordurier, provocateur, il incarne une liberté qui se joue de tous les jougs sociaux et particulièrement bourgeois : le film est un pied de nez déculotté à l’ordre social, opposant une vulgarité à l’autre, celle d’Erik ayant le mérite de la franchise. Sa beauté et son dévouement à l’art justifient ses écarts. Si toute tempérance lui est hors de portée, l’amour réel qui le lie à Olga lui enseignera quelques semblants de tendresse et de patience.

Brutal et grossier ne sont que des jugements de valeur pour Paul Verhoeven qui entend ancrer son réalisme dans la grande tradition de sa Nation, celle de la peinture flamande classique au vérisme méticuleux, et jusqu’à Jérôme Bosch qui n’épargne aucune indécence à l’œil prude. Sa façon de filmer emprunte au documentaire, souvent caméra à l’épaule, il affectionne les décors naturels, mais son travail du cadrage et son soin de la photographie (dirigée par Jan de Bont) sont ceux d’un cinéaste qui connaît ses moyens et produit sciemment une forme pour rendre un contenu artistique – et à qui il ne déplaît pas de déplaire.

Quant aux loukoums, leur apparition n’a pas la part belle : offerts par Erik, Olga les engloutit voracement alors que ses heures sont comptées. Ils surgissent comme une excessive compensation de douceur à l’heure où l’amour et la vie vivent leurs derniers instants.