Shoreditch

12.09.2016
Shoreditch en 1938 (Photo by London Express - Getty Images)

Shoreditch en 1938 (Photo by London Express - Getty Images)

Shoreditch est un secteur du quartier de Hackney, dans la partie nord du tout début de l’Est de Londres. La roue de l’Histoire tourne. La renaissance sociologique de cette zone est spectaculaire et euphorisante, mais ne va pas sans tragédies ni nostalgie…

Le passé du site est su et répété, il fait partie de ces histoires qui font toujours plaisir à raconter. Ancien marais aux abords de Londres, des mauvais ruisseaux de la ville y déversèrent ses égouts – les étymologies du nom donnent parfois sewer (pour égout) à l’origine de shore (rive), ditch signifiant fossé. Au XVIe siècle, à l’abri des proscriptions de la ville dont il longe la juridiction, le quartier est celui des théâtres et de ses audaces de scène, Shakespeare y vit un temps, y écrit et joue ses pièces. Des briqueteries y prennent place au XVIIe. Puis des tisserands avec les huguenots en fuite. Pourtant, à la fin du XIXe siècle, c’est un lieu de taudis et bouges, assombri par sa chape de brouillard gluant : aire de misères, vivier malsain et terrain incognito pour consommateurs de prostitution. Ce fut dans ces rues que Jack L’Eventreur commit ses abjections perversement mythologisées depuis. L’East-End de Londres a longtemps gardé la réputation d’être mal famé. Bandes et pègre y ont vécu, sévi et essaimé. Mais c’était surtout un quartier populaire, laborieux, peu cher, pas toujours rassurant, voire risqué, d’une beauté urbaine manifeste. Un quartier défavorisé et difficile de la working-class.

Shoreditch et alentour furent toujours une zone d’accueil de communautés: huguenots français, Irlandais, Juifs ashkénazes, Bengladeshis, Somaliens… Puis vinrent les temps nouveaux. Anciens dépôts, bâtiments industriels à l’abandon et zones en friche attirèrent des artistes, particulièrement les street-artists qui bariolèrent les briques d’une nouvelle culture. Ces rues peu fréquentées du monde des héritiers, si proches du centre de Londres mais aux marges, séparées d’un abîme social, devinrent l’eldorado du cool. Architectes, start-ups, publicitaires pointus rejoignent les indigènes dans la gêne, et tout se mélange comme il en a toujours été. Age d’or d’un spot. Terre d’entre deux, où une vie populaire qui agonise fraye avec une vie connectée et interactive naissante. Mais le virus sévit. Les hipsters plébiscitent l’endroit. C’est de mieux en mieux. R.E.M y fait son clip. Alors les loyers se réveillent, les prix montent, les plus modestes s’excentrent vers de nouvelles marges. L’esprit populaire fait ici et là de la résistance, tous ces beaux mondes cohabitent, natifs, branchés, religieux traditionnels, communautés étrangères diverses, comme il en a toujours été. Ce phénomène de gentrification n’en a pas moins transmué le quartier : c’est le même mais il est méconnaissable.

Dans Shoreditch, le Geffrye Museum du 136 Kingsland Rd. instruit sur ce que fut le quartier jadis et quelles étaient les sinistres conditions de vie de ses habitants au XIXe siècle. Et un tel contraste guérira définitivement les nostalgiques.

 

Une boutique éphémère de diptyque est ouverte au Boxpark de Shoreditch, 2-10 Bethnal Green Rd, London E1 6GY.