Ragnar Kjartansson

30.11.2015
Ragnar Kjartansson/Luhring Augustine, New York and i8 Gallery, Reykjavik

Ragnar Kjartansson/Luhring Augustine, New York and i8 Gallery, Reykjavik

Artiste islandais, Ragnar Kjartansson opère dans tous les media artistiques à la fois, convoquant théâtre, opéra, music-hall en tant que metteur en scène de performances, acteur, chanteur, vidéaste ou peintre…. Il n’a aucun territoire formel propre, si ce n’est le nôtre qu’il déforme pour l’informer de ses désordres.

Cet agitateur d’art provoque les évènements et non le public. Bliss (Malcolm McLaren Award) joue sur le final du Mariage de Figaro de Mozart : les deux minutes culminantes de l’opéra y sont interprétées durant une douzaine d’heures, sans discontinuer. Au Moma, il fait jouer par le groupe The National la même chanson « Sorrow » durant six heures. L’artiste met là obsessionnellement en œuvre des répétitions pour provoquer l’accident et susciter un renouveau par exhaustion des interprètes et de l’audience.

Ailleurs, ce sont souvent de grandioses loufoqueries qui exultent de liberté dans des décors naturels splendides. Ou un ami qu’il fait fumer et boire sans fin pour le peindre ce faisant, interrogeant le statut fantasmatique d’artiste… Toujours entêtant, Ragnar Kjartansson est affectueusement moqueur, d’une drôlerie qui a de la profondeur.
Il n’est que de l’écouter parler pour saisir la tendresse de l’homme, de son regard sur le monde. Son travail semble avoir comme matière une mélancolie et un chagrin du temps anéanti qu’il pétrit pour faire rire. Peut-être Ragnar Kjartansson est-il au juste un romantique qui ausculte cette maladie qu’est le romantisme – ainsi cite-t-il Goethe ou Heinrich Heine, tandis que ses récents travaux sont un écho à l’œuvre majeure du Prix Nobel Islandais, Halldór Laxness – Lumière du Monde – qui met en scène un poète qu’aucun malheur ne parvient à mettre en péril son amour contemplatif de la beauté. Absolument avisé du monde, Ragnar Kjartansson console la candeur d’enfant.

Ragnar Kjartansson fait l’objet d’une exposition au Palais de Tokyo du 21 octobre 2015 au 10 janvier 2016. diptyque fut un partenaire officiel de la performance qu’il a tenue à la Maison de la Radio, Paris, le 24 octobre dernier.