Questionnaire diptyque: Safia Ouares

06.04.2018
Safia Ouares

Safia Ouares

Le questionnaire diptyque a été composé sur le patron de celui que Proust a rendu célèbre par ses réponses. De ces trente-quatre questions destinées à faire connaître une personne qui est chère à diptyque, celle-ci n’est tenue de répondre qu’à celles qui lui plaisent.

Safia Ouares est une dessinatrice et une réalisatrice nourrie de savoirs pluridisciplinaires et d’une curiosité passionnée pour les arts décoratifs populaires du monde, particulièrement des cultures méditerranéenne, française et japonaise. Diplômée en Histoire, en arts plastiques dans les grandes universités parisiennes, et de l’ENSAD (cinéma d’animation), puis élève de l’Ecole des arts décoratifs, elle étudie le japonais. Elle a appris la gravure selon la tradition artisanale, puis la sérigraphie. Apprendre et faire sont les deux phases d’une même intention qui anime un même geste de la main. Ses réalisations sont maintes au fil d’une carrière internationale entre la France, où elle réside, le Japon et les Etats-Unis. Elle confie n’aimer rien tant dans un projet que la compulsion de matériaux et d’archives qui achemine sa créativité à un dessin qui raconte un récit en synthétisant un ensemble de savoirs. Musicienne et danseuse par ailleurs, sa recherche du rythme graphique d’un dessin repose sur cet équilibre entre la netteté simple du trait et l’affluence de détails. Aussi l’illustration de Tempo, qui fête cinquante ans de parfumerie diptyque, lui était-elle destinée : le voyage visuel qui donne à voir cette fragrance illustre la naissance de la Vie et l’Evolution, afin d’exprimer le déploiement du temps par la vie : « Ce projet m’a bouleversé intellectuellement, ce que j’ai appris de l’émergence de la vie sur Terre pour développer l’idée créative autour du temps a fondamentalement changé mon rapport au monde. »

 

1. Si vous étiez un diptyque – à Dieu ne plaise, quelles images ou allégories choisiriez-vous sur le panneau frontal (fermé) et sur les deux volets ouverts à l’intérieur?
Je choisirai un pommier, tel un axis mundi pour le panneau frontal fermé et Eve face au serpent pour les deux volets intérieurs…

2. Quelle période de l’histoire humaine – un « pays lointain » écrit Racine – souhaiteriez-vous visiter en touriste invisible ?
J’assisterai à une immense cérémonie ou un rituel mené par la grande prêtresse d’une cité antique des bords la méditerranée, ensuite je me rendrai au baptême de la princesse ou au couronnement du jeune prince et je pourrai goûter à tout ce qui sera servi durant le banquet, bien que je sois invisible.

3. Votre met favori
Ce n’est pas vraiment un met, c’est le plateau de fruits de mer !

4. Votre senteur préférée
La rose

5. Votre madeleine de Proust
Une Makroud, pâtisserie que préparait ma grand-mère à TOUTES les occasions, leur conception relève toujours du mystère pour moi.

6. Si vous étiez un instrument de musique
La flûte traversière

7. animal le plus émouvant pour vous
L’âne, probablement à cause de films comme Au hasard Balthazar (Robert Bresson) ou Pinocchio.

8. Synesthésie : avez-vous des associations sensorielles de forme, couleur, parfum, et son ?
Oui, tout a une résonnance en moi, et j’aime à sentir les correspondances. Je pense que c’est pour cela que la pluridisciplinarité est importante à mes yeux.

9. Quelle est la qualité que vous possédez qui vous a fait du tort ?
Mon exigence (une forme de naïveté)

10. Et quel serait votre défaut auquel vous seriez le plus redevable ?
Mon idéalisme (une autre forme de naïveté)

11. Pour être absolument soi-même, faut-il s’oublier totalement ?
Je ne crois pas à l’absolu, en dehors de la parfumerie bien entendu !

13. Quelle activité de prédilection vous concentre-t-elle au point de ne plus penser ?
Mes cours de danse classique durant lesquels j’oublie absolument tout. Cela m’apporte à la fois du plaisir et du recul sur les petits tracas du quotidien.

14. Le roman qui vous a ouvert le monde comme un livre, qui vous a augmenté ?
Alice au Pays du Merveille, grâce à elle j’ai compris que la majorité n’a pas toujours raison.

15. La musique (ou les) qui vous est un écho du paradis perdu
Daphnis et Chloé de Ravel.

16. Trois films primordiaux
Blade Runner (Ridley Scott), Casanova (Federico Fellini) et Apocalypse Now (Francis Ford Coppola)

17. Quel tableau a-t-il le mieux peint les senteurs – selon vous ?
Probablement la peinture des Iris de Van Gogh, elle sent la terre.

18. Quel sculpteur, sculpture, choisirez-vous pour votre musée imaginaire ?
Le peignoir plâtré de Balzac par Rodin, je n’aurai jamais pu imaginer qu’une robe de chambre plâtrée puisse réveiller tant d’émotion chez moi. Quand je l’ai vue, j’avais l’impression de voir Balzac en face de moi.

20. Quels personnages, passés ou présents, réels ou fictionnels, vous inspirent-ils ?
Marylin Monroe et Cassius Clay

23. Est-ce si grave de n’être pas aimé, tant qu’on aime ?
C’est plutôt une situation banale de ne pas être aimé en retour, en témoignent les chansons d’amour, souvent triste, voire désespéré, la production littéraire, poétique et théâtrale etc. l’amour partagé me semble bien être l’exception !

24. Quel est votre paysage d’évasion ?
Sous-marin, à proximité d’une barrière de corail, avec un masque et un tuba.

25. Si la vie est un songe, dans quelle réalité aimeriez-vous vous réveiller?
Je serais réveillée par le chant des oiseaux, dans une chambre au parquet grinçant et aux immenses fenêtres donnant sur un parc rempli de biches et de paons. Au détour des allées ombragées serpentant entre des bassins d’eau des statues joueraient à cache-cache dans les buissons et serviraient de perchoir aux oiseaux de passage.

26. Avez-vous une maxime dans votre métier, qui vous serve de boussole et de lanterne?
« Être dans le vent, c’est un destin de feuille morte »

27. L’acte de création régit-il votre vie ?
Oui, c’est la voie que j’ai choisie.

28. Le cadeau, le partage, la belle expression « faire présent de… » : qu’aimez-vous offrir ?
J’aime offrir des choses que les personnes n’auraient pas pensé à s’offrir et qui me font pourtant penser à elles.

30. Qu’est-ce que l’artisanat à notre époque ?
C’est savoir faire le lien entre l’héritage d’un savoir-faire dont les gestes peuvent être ancestraux et de nouvelles technologies qui peuvent améliorer la productivité sur des étapes particulières, ce afin de rester compétitif. Un véritable défi! Cela demande beaucoup de passion et d’humilité.

31. En mettant les problématiques économiques ou de statut social de côté un instant, en quoi des productions rares de noble qualité (savoir-faire, finition, recherche etc.) peuvent être bienfaisantes aujourd’hui, selon vous ?
Elles témoignent de la spécificité même du genre humain, elles nous distinguent de nos cousins primates. Avec la poésie et les arts en général il me semble que ce serait la seule raison valable pour que des extra-terrestres veuillent nous rencontrer !

33. Et quel serait votre parfum diptyque favori (Eaux ou bougies) ?
Je ne suis pas la femme d’un parfum, tout est une question de moment. J’adore le parfum Tam Dao, les boisés pour leur épaisseur, les hespéridés pour leur pétillance et une forme de douceur, je craque pour les soliflores de Rose, plus sensuelle et le Néroli plus enfantin, c’est selon… Tempo a néanmoins ma préférence en ce moment.

34. Pour vous, diptyque en quelques mots ?
Une famille de cœur, une grande maison où tous mes amis et moi nous sentons accueillis.