Le Private Choice de Nadia Candet

22.10.2015
Nadia Candet - fondatrice et curatrice de Private Choice

Nadia Candet - fondatrice et curatrice de Private Choice

La 3e édition de Private Choice se tient du 19 au 25 octobre 2015, dans un appartement d’exception de l’avenue Franklin D. Roosevelt. Initiative privée intégrée dans le programme officiel de la FIAC, Private Choice présente une sélection avisée d’œuvres d’art et de design, mais aussi de créateurs de mode, accompagnée de mets fins. Chaque œuvre y est à vendre. Cette collection éphémère, pointue et indépendante doit tout à l’expérience du regard et à l’accrochage de Nadia Candet, curatrice experte en art contemporain, faite Chevalier de l’Ordre National du Mérite en 2014. diptyque est un partenaire officiel de cet évènement depuis sa première occurrence. Ainsi Nadia Candet a-t-elle reçu memento dans ce lieu où 65 œuvres de créateurs de 17 nationalités différentes se répondent ensemble dans un silencieux brouhaha. 

memento : Comment est né Private Choice, qui a fait suite au livre Collections Particulières, que vous avez dirigé, paru chez Flammarion en 2008 ?

Nadiat Candet : Il y a en effet une suite logique. Collections Particulières est un ouvrage qui présente des collections privées françaises d’art contemporain. La France a de grands collectionneurs, exigeants, connaisseurs, ouverts à la culture des autres, qui se posent des questions pertinentes sur l’art. Certains de ces collectionneurs font des commandes aux artistes. Ces collections ne font pas l’objet d’une publicité comme dans certains pays anglo-saxons, où de grands acheteurs ont des warehouses ou des fondations privées qui organisent des portes ouvertes régulières autour de leurs collections. Le collectionneur en France est souvent un  amateur averti qui achète des œuvres pour vivre avec et soutenir l’art de son temps. Il ne bénéficie d’aucune aide pour conserver son indépendance. Mais ce n’est pas du mécénat. Ce livre a fait l’objet d’avant-propos par Laurent Le Bon, directeur du Musée Picasso, et d’Adrien Goetz, [historien d’art, professeur, romancier à l’œuvre récompensée par l’Académie Française et directeur de la rédaction de Grande Galerie, le journal du Louvre, le magazine officiel du musée, ndlr].
Collectionneuse moi-même, je conservais ce désir de m’occuper de « l’accrochage », de faire vivre des œuvres ensemble, d’établir une « wish list » annuelle voilà comment m’est naturellement venue l’idée de créer Private Choice.

memento : Private Choice fait dialoguer des œuvres d’artistes très médiatisés comme Damien Hirst avec d’autres plus confidentiels, et vous choisissez et accrochez chaque œuvre, alors quel est le fil, y a-t-il une rationalité de vos coups de cœur ?

Nadia Candet : Il y a certainement un fil, mais c’est à vous de le trouver. Tous les artistes et créateurs présents sont choisis en toute indépendance, certains ont des galeries, d’autres non : mon seul critère est de créer des histoires dans un lieu historique,  avec des œuvres que je considère pertinentes. Il faut créer un frisson aussi. Lorsque vous visitez cet appartement de la fin du XIXe, conservé dans sa configuration d’antan avec ses dorures, un premier récit fait signe : « étrangers partout » écrit en néon (du duo d’artistes Claire Fontaine ), des gyrophares en verre soufflé par le collectif NØne futbol club, un lustre en fil de fer barbelés (de Tove Adman), ainsi que d’anciens tapis d’orient que je tiens de ma famille et que j’ai aussi confié aux NØne futbol club pour être re-découpés… C’est donc un vrai travail de mise en scène. J’attache une grande importance aux liens possible entre les œuvres, chaque accrochage de Private Choice est contextuel, j’établis avec mon équipe une maquette en 3D, je sais à 90 % où vont être placée chaque œuvre Il y a un respect aux œuvres, une politesse de l’objet, une courtoisie vis-à-vis de ce qu’elles expriment. Je peux passer entre deux œuvres qui se répondent en m’excusant intérieurement d’interférer dans leur dialogue ! Ce qui me plaît, ce sont ces dynamiques de sens et le dialogue que l’accrochage permet entre les créations d’art, de design, de mode, fooding…

memento : Ne craignez-vous pas de mettre en lien des choses qui n’appartiennent pas au même champ de signification, ne sont peut-être pas au même niveau ?

Nadia Candet : art, design, mode, fooding, ce sont des catégories distinctes qui ont leur sens. Il ne s’agit pas de nier les différences. Il s’agit d’art de vivre. De correspondances entre des choses choisies.  Il  faut bien  se poser de temps en temps sur un siège autant le faire sur une pièce design. Au sujet du fooding, je remarque que le soin culinaire fait aujourd’hui l’objet d’une attention quotidienne, c’est un tout…

memento : Ce sens de l’art de vivre et cet œil particulier vous vient-il de vos origines orientales ?

Nadia Candet : Je suis née en Egypte, avec des origines arméniennes et mon grand-père maternel était antiquaire d’art d’orient au quai Malaquai, la famille Kevorkian. J’ai vécu dans les réserves d’art, mais cet ancrage n’est pas passéiste. Mon goût me porte vers l’art de mon époque. Mais il est vrai que depuis mon orient, je fantasmais la France. Je la voyais comme dans l’autre sens, cet Orient à la Loti ! Ainsi ce magnifique appartement ancien met en relation et en scène la France dix-neuvièmiste de mes rêves d’enfant avec la France ouverte à l’art contemporain que je connais. Mais pour chaque édition de Private Choice j’aime changer et offrir un nouvel  espace au visiteur.

memento : Et quel est le positionnement de Private Choice par rapport à la FIAC ?

Nadia Candet  : Nous sommes dans le programme de la FIAC, celui des visites privées depuis la 1ère année. Ses organisateurs respectent beaucoup notre démarche. Ils savent que j’ai une liste d’artistes importants, émergents, confirmés qu’ils apprécient et ils ont un excellent retour. Il n’y a aucune concurrence, au contraire. Mais ici, le critère de présence de créateur reste mon fil curateur, qui est indépendant de la FIAC. Prenez les artistes exposés, nous avons des fidélités d’une édition à l’autre comme les NØne futbol club, le designer David Pergier qui a conçu des miroirs, ou Augustin Steyer qui a produit des tableaux à partir de montages de photos prises de ce lieu ci, mais ce sont quelques-uns sur 65 créateurs présents. Private Choice c’est aussi une équipe impliquée, un comité artistique, 2 régisseurs… et  plus de 20  partenaires qui se mobilisent. 

memento : Comment avez-vous une telle connaissance de l’art contemporain, qui est une planète mondiale en constante reformation ?

Nadia Candet : C’est la petite histoire. À 7 ans j’ai pris une tuile sur la tête sur une terrasse à Paris qui m’a fracturé le crane. L’hôpital le plus proche était Bretonneau, dans le 18ème, un petit hôpital. J’y ai fait ma convalescence. Des années plus tard, j’ai appris sa fermeture et ai voulu aller le revoir. C’était le tout début des années 90 et cet espace était devenu l’Hôpital Ephémère, une résidence d’artistes et un lieu d’exposition et un vivier d’artistes, plasticiens, musiciens… qui deviendrait culte. Thomas Hirschhorn a débuté là (Lauréat du prix Marcel Duchamp), Ghada Amer, égyptienne vit actuellement à New-York avait aussi son atelier là, Tatiana Trouvé (Lauréate du Prix Marcel Duchamp) également… On a débuté ainsi avec mon mari, avons acheté des pièces et puis on a suivi des artistes, tout a commencé ainsi, doucement… Et voilà plus de trente ans de vie et de passion pour l’art d’aujourd’hui.