La naissance d’Eau des Sens émane d’un nouveau processus de création dans l’histoire de diptyque. Car plutôt qu’un sillon de répétitions, le passé est une matière de mémoire, un lacis de racines, que cette nouvelle eau de toilette commémore et honore.

Au tout début des années soixante naissent de nouvelles pratiques artistiques de recherche de mise en défaut du sens de la vue. Cette tendance sera rassemblée sous le nom d’ « Op art » (art optique) dès 1964. Cet art expérimental est contemporain de la fondation de diptyque en 1961. Ses protagonistes internationaux se regroupent à Paris où ils fondent la même année le GRAV (groupe de recherche d’art visuel). Les fondateurs de diptyque (Christiane Gautrot, Yves Coueslant et Desmond Knox-Leet) sont esthètes, artistes, férus d’art et fureteurs de nouveautés – picturales, musicales, chorégraphiques… L’Op art, qu’un article présentera bientôt, a cette singularité d’être abstrait et de ne s’adresser qu’au corps du spectateur, à ses sens. Ainsi se défait-il aussi du souci d’identité de l’artiste comme du regardeur : seul importe de procurer une expérience vibratoire par des effets savants de couleurs, de formes géométriques et de spatialité fallacieuse. L’Eau des Sens ayant été initiée par l’idée de produire une confusion des sens s’est donc référencée à l’Op art, qui lui-même était en résonance avec la contemporanéité et les goûts des fondateurs de diptyque.

Son nom, l’Eau des Sens, est explicite dans sa polysémie sonore, le terme « essence » qualifiant une qualité de bois (Cf. Sylve), et les « essences » étant ces substances concentrées de la parfumerie le plus souvent acquises par distillation. L’essence végétale est ici le bigaradier dont sont extraites quatre essences fondamentales en parfumerie, ici toutes associées dans l’Eau des Sens. Ce nom en jeu de mot, qui ne déroge pas à la règle patronymique des eaux diptyque de l’o dans l’eau, est ainsi aussi sensé qu’il est un hommage aux noms des premières eaux de la Maison, qui coulent encore.

La partition de senteurs qui compose l’Eau de Sens a été écrite par un procédé qui prend sa source dans une idée : celle de confondre les sens de félicité. Mais son accord olfactif, son nom et ses illustrations rentrent en harmonique avec les premières eaux de toilette diptyque. En ces sens, l’Eau des Sens est aussi dépaysante qu’enracinée.