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04.02.2016
Emoji Dick par Fred Benenson (Licence Creative Commons : Attribution 2.0)

Emoji Dick par Fred Benenson (Licence Creative Commons : Attribution 2.0)

Les emoji, garde avancée de visages expressifs jaunes vifs flanqués d’effigies de conduite et suivie de divisions de dessins stylisant des objets allant de la tasse de café au cosmos intergalactique, s’interposent dans les interfaces et s’imposent à l’hyper-interactivité.

Nulle intention ici d’en attenter au génie d’Herman Melville, l’auteur du roman Moby Dick, paru en 1851, à la langue savante et poétique, d’une profondeur humaine abyssale. Mais il n’est que de parcourir distraitement sa transposition en dialecte emoji pour s’apercevoir que tout Herman Melville qu’il fût, il avait raté un truc. Toute cette prise de tête pour rien ! Alors que c’était si simple :-/

Qui dit traduction dit langue : voilà le clavier à emoji déjà disponible, où les figures sont disséminées en dessous des touches traditionnelles de lettrage paléolithique à tendance chasseur-cueilleur encore en cours, ces azerty et qwerty des laissés pour compte. Téléphone, internet, livres… bien sûr, le film est en préparation. L’absence de droits des figures emoji en « open-source » n’avait rien non plus pour dissuader les investisseurs, dont Sony a remporté l’enchère.

Plaisanter des emoji n’induit pas de les déconsidérer. Outre que leur popularisation transnationale et transculturelle donne beaucoup à penser, cette nouvelle population de petits personnages symbolisant les émotions quotidiennes et imageant les choses permet de nouvelles propositions. A ce stade, toutes peuvent paraître des gadgets, mais le temps en sélectionnera probablement certaines qui structureront des habitudes, des comportements, voire des solutions cognitives. Il est un fait par exemple que la vie en réseau exige de nombreux mots de passe, que les systèmes les exigent de plus en plus compliqués, et qu’en définitive on ne se souvienne d’aucun par cœur. Les mots de passe en emoji seront eux mémorisables, et leur nombre permet plus de combinaisons qu’il n’en faut. Car le cerveau retient plus facilement des images. L’apprentissage se faisant beaucoup en associant des informations à des images, qui sait si les emoji ne joueront pas là une fonction pédagogique intéressante ?

Il en va de même des applications créatives les mettant en scène. Le logiciel permettant de produire un emoji de son propre visage à partir d’une photo semble anecdotique et ne manque pas d’amuser. Leur ludisme interactif peut aussi bien annoncer une mutation. Les campagnes américaines de sécurité routière « don’t emoji and drive » (ne conduisez pas en envoyant des emoji) sont particulièrement pertinentes, non seulement pour leur alerte, mais parce qu’elles mettent en garde contre l’illusion de prendre le monde comme un gigantesque jeu d’emoji au risque d’une sortie de route fatale, sorte de retour du réel sans interface… ô~_~ô

Les cartoons cartonnent. Le plus drôle et intéressant est pour la fin, ici. L’essentiel étant peut-être de pouvoir conserver le choix d’utiliser ou non les emoji, et ne pas disposer uniquement de leur catalogue en s’affranchissant de la formulation. C’est ici le personnage de Bartleby qui offre une solution de repli face à l’invasion d’emoji : sans refuser ouvertement les injonctions de son employeur, il lui répond « je ne préfèrerais pas » (« I would prefer not to »), stratégie consistant à se défausser sans s’opposer, laissant l’ennemi démuni. Parue en 1853, Bartleby, ou Bartleby, the Scrivener – A Story of Wall Street, est une nouvelle de Herman Melville.

 

Bougie, palets parfumés et capsules d’une part, rébus, allégories et mise en œuvre digitale de l’autre: la collaboration de la créatrice de mode Olympia Le-Tan avec diptyque pour la fragrance Rosafolia sur le thème du sac féminin et exprimée par le rébus d’emoji « La clef de mon cœur est dans mon sac » s’accompagne d’une série exclusive d’emoji à télécharger ici 🙂