Le nez à quatre mains

04.09.2017
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L’histoire de diptyque est le fruit d’alliances de confiance. Son noyau était l’amitié liant ses trois fondateurs. Naturellement, ils firent croître diptyque en nouant des liens longs et fidèles. Les amitiés professionnelles avec les parfumeurs, « les nez », sont donc au cœur de son  histoire…

Cela fera bientôt 50 ans, depuis L’Eau (1968) que diptyque crée des fragrances déclinées en eaux (de toilette ou de parfum), et pourtant, seulement six parfumeurs ont collaboré avec la Maison pour élaborer chaque « jus », terme usuel qui désigne la solution alcoolique d’un concentré de parfum. Parmi ces six créateurs, seule Cécile Maton, tout dernièrement entrée en compagnonnage avec diptyque, n’a pas connu au moins l’un des trois fondateurs, dont aucun ne vit encore ici-bas, mais dont tous éternisent un peu leur séjour terrestre dans l’esprit de diptyque, lequel séjourne d’abord dans les senteurs que la Maison continue d’inventer. diptyque est une affaire de lignée et d’ententes.  

Chaque parfum diptyque a été inventé à quatre narines : deux qui ont les pieds dans la Maison – ce fut d’abord celles de Desmond Knox-Leet, puis après sa disparition d’Yves Coueslant et de Christiane Montadre-Gautrot, puis après la leur, de Myriam Badault, directrice de la création produit, avec en partenariat celles du nez technicien, le parfumeur souvent délégué par un fabricant de parfum. Une banale relation de client à prestataire donnant lieu à une ordinaire livraison de commande n’aurait jamais fait l’affaire. Tout au contraire, il s’est toujours agi d’une intelligence de création, d’un dialogue de découverte et de dépassement des frontières du goût de chacun, d’équipée longue et aventureuse à la chasse du papillon parfumé imaginaire. Le premier ressort d’un accord olfactif diptyque est un accord de personnes. Les parfums diptyque ont des racines affectives de fidélité, de connivence, de loyauté et d’attachement.

Desmond Knox-Leet a longuement travaillé avec monsieur Serge Kalouguine, de chez Fragonard. Il lui proposait une idée poétique assortie de quelques supports odorants que ce dernier interprétait, et la navette parlementaire entre les deux partenaires, amendant la proposition dans ses dosages et ingrédient allait et venait jusqu’à l’expression d’un accord à la structure olfactive achevée – qui avait souvent conduit les deux artisans au-delà de leur idée première, se laissant surprendre par le fil de leur échange et des accidents olfactifs heureux leur ayant jailli au nez. Il en serait dorénavant toujours ainsi.

Vinrent ensuite Norbert Bijaoui, Olivia Giacobetti, Fabrice Pellegrin et Olivier Pescheux, enfin Cécile Maton. A toute nouvelle idée de parfum, qui émane de diptyque, doit correspondre le bon nez, qui en fonction de ses affinités, des matières qu’il affectionne, de la personnalité de ses inventions, saura être le meilleur interprète et serviteur du dessein olfactif encore à peine esquissé. Aujourd’hui diptyque a des compétences techniques en parfumerie que n’avaient pas ses prédécesseurs dont la courtoisie de goût et l’intuition esthétique suffisaient pour les guider. Mais le nœud du dénouement olfactif est le même : avoir un langage commun qui permette de mettre en partage la sensibilité de chacun. L’élaboration d’une senteur exige du temps, avec beaucoup d’essais et de périodes de cristallisation, de maturation, de doutes, de réflexion… Il y a loin du défi olfactif à l’exaltation fragrante. Or interpréter une senteur en cours de création n’est pas chose simple, et savoir exprimer son ressenti pour la parfaire moins encore. Aussi la confiance d’une relation est-elle essentielle.

En ces sens, diptyque est peut-être le seul endroit de ce monde où l’on peut se trouver nez à nez tout en regardant dans la même direction. Tout comme il y est d’excellent augure de s’avoir dans le nez.