Méandres de l’ambre

19.02.2015
Ambre bleu dominicain (©Vassil)

Ambre bleu dominicain (©Vassil)

D’aspect chaud, il provenait du froid. Rejeté sur les plages lors de tempêtes, il provenait des montagnes. Ses noms disent ses qualités si subjuguantes qu’il est tenu pour magique : êlektron car électrostatique, glaesum car souvent baltique, succin car né d’une sève, bernstein car tel une pierre qui brûle, jantar car matière de talismans et d’amulettes, et carabé en usage médicinal car descendant de kahrabā qui désignait chez les arabes l’ambre jaune. Pourtant ce mot ambre nous provient d’un malentendu, puisque l’anbar arabe désignait l’ambre gris. Entre féérie et vérité, l’ambre jaune ne se livre jamais pleinement.

Les larmes rouges de Freyja deviennent ambre précieuse au contact du sol. La déesse pleure ce mystérieux voyageur dont on ne sait s’il était un mortel ou Odin, le roi des dieux. Astris, Phaétuse et Phoebé, filles du Soleil aux maints prénoms, se muèrent en peuplier pour pleurer la mort de leur frère Phaéton, leurs larmes de résine devenant perles d’ambre. Freyja appartient à la mythologie scandinave, les Héliades à la mythologie grecque. Etrange correspondance entre mythes : froid et brume ou chaleur et clarté, l’ambre y luit.

Or il n’y avait pas alors de source d’ambre connue en Méditerranée ni en Afrique. On a bien pourtant retrouvé ce fameux scarabée sacré d’ambre dans la chambre funéraire de Toutankhamon, dans la vallée de rois d’Egypte. Mais on a aussi exhumé en Bavière, dans le sud de l’Allemagne, des sceaux d’ambre et d’or reproduisant le masque d’or d’Agamemnon découvert à Mycènes, cette cité antique du Péloponnèse, en Grèce. Les analyses de ces pièces d’ambre semblent identifier une provenance baltique. Des archéologues supposent une route de l’ambre entre les pays de la mer Baltique et la Méditerranée dès l’âge du bronze, 1800 ans avant Jésus Christ. Les Alpes étaient une barrière presque infranchissable, mais l’ambre valait plus que l’or au Nord et était considérée d’origine divine en Egypte.
D’autres scientifiques affirment néanmoins que l’Egypte faisait appel au Copal d’Afrique et non à l’ambre baltique : entre mythologies, civilisations et sciences, l’ambre fait tourner les têtes…

Mais qu’est-ce que l’ambre ? Un fossile d’oléorésines de plus de cinquante millions d’années. Selon sa provenance, les différences de résines et de climats, ses couleurs varient du jaune mordoré au rouge, au bleu, au vert ou au noir. Mais la teinte naturelle de l’ambre peut aussi avoir été altérée de pigments par les préparateurs de l’antiquité. Souvent translucide, il peut être opaque. Hormis certains ambres constitués dans l’eau à la parfaite transparence, ces fossiles comportent le plus souvent des accidents dans leur épaisseur. Très rarement, des insectes qui s’étaient englués dans la résine demeurent parfaitement visibles dans la translucidité ambrée. Matière rare, il se trouve des sources d’ambre dans tous les continents. Mais la mer Baltique est le plus grand pourvoyeur d’ambre. Des glaciers ont charrié ces fossiles dans la mer. Puis marées et tempêtes les rejetaient aux rivages. Il s’y mêlait aussi des ambres gris, une concrétion intestinale très odorante du cachalot, encore une autre histoire… (à suivre)