La Madeleine

30.09.2016
diptyque : Invisible Dog Event

Les harmoniques littéraires sont le gouvernail éditorial de memento. Par association d’idées, les thèmes d’article se propagent comme des ondes autour de l’épicentre de l’actualité de diptyque. Ce fonctionnement par sympathies de matière est aussi celui de la Maison. Pour preuve, la bougie La Madeleine…

S’il vous en souvient, deux des fondateurs de diptyque possédaient une maison normande dont ils avaient fait leur havre de quiétude, Les Lilas. Cette demeure, à Hennequeville, était anciennement un relais de poste, où l’on sait que Marcel Proust y venait envoyer ses télégraphes. Bien au-delà de ses lecteurs – Proust ne se lit jamais, il se « relit » seulement,  snobisme exige – l’auteur est présent dans la culture quotidienne par ses madeleines : « Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. Et dès que j’eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s’appliquer au petit pavillon, donnant sur le jardin, qu’on avait construit pour mes parents sur ses derrières (ce pan tronqué que seul j’avais revu jusque là) ; et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu’au soir et par tous les temps, la Place où on m’envoyait avant déjeuner, les rues où j’allais faire des courses, les chemins qu’on prenait si le temps était beau. » (Marcel Proust, Du côté de chez Swann)  Les ébauches de son Grand Œuvre ont révélé que l’auteur avait longtemps remâché son idée, hésitant entre la tranche de pain grillé ou la biscotte avant de trancher pour ce « petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot ». De cette pâtisserie et son lieu commun de mémoire, cette mémoire qui est une matière évocatrice constante chez diptyque, l’idée est née d’une bougie au parfum de la madeleine.

Une fois traversée la petite cuisine des associations, on passe au laboratoire. La Directrice de la création produit de diptyque, Myriam Badault, a alors proposé à Fabrice Pellegrin (parfumeur de chez Firmenich longuement associé à la Maison, auteur de nombreuses eaux, dont Do Son) de confectionner une cire parfumée reproduisant l’arôme des madeleines de Dax, celles de la Maison Cazelle, de grande renommée, fondée en 1906, sept ans avant la parution de Du côté de chez Swann. Le parfumeur a procédé à une analyse spectrale de cette madeleine par captage des molécules olfactives, afin d’en synthétiser fidèlement le parfum, rehaussé de citrus.

Naturellement, les associations reprenant vite leur fil adroit, le récipient de la bougie la Madeleine est en biscuit : sa porcelaine provient des ateliers de NG Oficina de Porcelenas, qui confectionne les deux premiers opus en terre mêlée de cette collection. Ce pot décline un toucher doucement rêche à sa base blanche puis doux d’émail à son rebord noirci. En sus de son tact agréable et de son harmonie de teintes, ce pot de bel artisanat retient quiconque aurait la mémoire courte de dévorer cette bougie de l’édition 2016 de La Collection 34.