A l’intérieur du sac…

04.01.2016
My Purse (©Sarah Katherine, photographer, antiquing nerd, beauty admirer)

My Purse (©Sarah Katherine, photographer, antiquing nerd, beauty admirer)

Photographier l’intérieur des sacs : « high art » ou « low art » ?

Le regard inquisiteur de la photographie s’insinue partout. Entre investigation et voyeurisme, il peut élire les sujets les plus graves ou les plus futiles. Ces dernières semaines, avant même les évènements tragiques qui devaient renforcer les dispositifs de fouilles, ce regard s’était introduit à plusieurs reprises à l’intérieur des bagages et sacs à mains. Une pratique photographique plus riche qu’il n’y paraît au premier coup d’œil.

L’idée de Sarah Benton ? Simple et directe. Demander à des femmes de révéler le contenu de leur sac à mains. Sortir chaque objet et le disposer soigneusement sur une surface plane. A la manière d’un inventaire, d’une typologie. Entre nature morte et tableau abstrait. Photographier l’ensemble à la verticale exacte. Renouveler l’opération sur des dizaines de sacs. Obtenir ainsi une sorte de lecture sociologique du sac à mains et de celles qui les possèdent. Toute une intimité parfois attendrissante étalée froidement sous l’objectif de l’appareil photo.

Sarah Benton aurait-elle inventé cette idée ? Pas vraiment puisque le groupe FlickR What’s in my handbag réunit 32000 membres autour d’un dispositif à peu près identique. Et comme on peut s’y attendre, on trouve un peu d’autoréflexivité photographique avec le groupe What’s in my camera bag (4600 membres), consacré aux sacs des photographes.

Si cette pratique photographique semble pauvre en apparence (lumière peu soignée, reflets parasites, cadrages approximatifs), elle plonge pourtant ses racines dans plusieurs questionnements historiques de la photographie :

– la classification et l’inventaire. Dès ses origines, la photographie s’empare du monde à la manière d’une encyclopédie visuelle, comme pour en recenser toutes les formes et tous les possibles.
– la photographie conceptuelle (née dans les années 60) : le concept, l’idée deviennent plus importants que le contenu et l’aspect formel de la photo.
– le fait-même de revendiquer la photographie comme pratique pauvre, d’assumer des images ne se prétendant pas artistiques.

Ce dernier point rejoint alors les problématiques très actuelles d’une photographie dite communicationnelle, où l’intimité devient une valeur d’échange. S’ils deviennent l’objet d’études esthétiques et sociologiques, les sacs à mains ne recèleront décidément bientôt plus aucun secret…

 

Bruno Dubreuil, chroniqueur et conférencier sur la photographie.