Les nymphes

09.07.2018
Le Bernin (1598-1680) - Apollon et Daphné (1622-1625), Galerie Borghèse, Rome

Le Bernin (1598-1680) - Apollon et Daphné (1622-1625), Galerie Borghèse, Rome

Mais qui sont ces nymphes évoquées à tout bout de champ, désespérément belles, jeunes à perpétuité et toujours enjouées et joueuses ? Ces divinités des mythologies antiques grecque et romaine sont myriades, et appelées diversement selon le lieu qu’elles habitent et enchantent.

Cette rivière ne chante-t-elle pas en ses remous ? Sa source ne fredonne-t-elle pas ? Et cet arbre bruissant au vent ? Et l’ombre de cette grotte ? Et ce murmure de la prairie ? Et ce fracas des mers ! Et ce fleuve qui mugit ? Et ce silence solitaire des hautes montagnes… Ce sont partout nymphes qui vagabondent et s’ébattent !
Nymphes, soit toujours de jeunes et sveltes femmes semi-dénudées qui rient et roucoulent gracieusement dans le dos de celui qui se retournant brusquement pour les surprendre ne voit guère qu’un arbre ou un rocher immobiles. C’est qu’elles sont vives… Et que ça chante, et que ça danse… Et pas seulement ! Nos nymphes ne sont pas là pour peigner la girafe. Elles affolent quiconque les surprend…et restent maîtresses de les rassasier de leurs faveurs ou se dérober à leurs ardeurs.

De descendance assurément divine, les nymphes personnifient la Nature, ses éléments, ses forces et splendeurs, ses plissements infinis en reliefs statiques ou mouvants. Partout elles sont le secret de la fécondité de la vie végétale, aquatique et même minérale.
Elles sont des divinités, certes inférieures aux dieux, mais qui les enflamment de passions concupiscentes, tout comme certains rares humains dont elles s’éprirent, il y a bien longtemps, trop. Parfois elles forment le cortège d’un dieu, comme ces ménades furieusement délurées, dansantes et frappant du tambour qui accompagnent Dionysos.
Les amours des nymphes sont à l’origine d’une foisonnante généalogie d’illustres héros, de grandes familles, et même de peuples. Elles n’ont pas chômé.
Mais gare à ne les brusquer ! Elles vous frappent alors de délire. Il faut savoir se tenir, c’est une antique vérité. Elles peuvent aussi se venger sur toute une lignée d’un mortel qui aurait attenté à un arbre, on aurait tort de l’oublier. Car l’arbre est en certains récits la mesure de la durée de leur existence, plus de neuf fois celle du palmier, l’arbre qui symbolise la fécondité en Egypte antique, et qui sera consacré avec l’olivier à Apollon. Ce pauvre Apollon, qui n’eût pas de chance avec la nymphe Daphnée, qu’il poursuivait d’une assiduité téméraire après qu’Eros lui avait décoché une flèche d’or pour qu’il s’en éprenne éperdument, et une flèche de plomb à celle-ci afin qu’elle le fuît. Elle mit fin à sa fièvre lubrique en se métamorphosant en laurier, duquel il se couronna le front, faisant contre mauvais flirt bonne figure.

Notre Terre, pour autant que Sa Nature originelle la recouvre encore, n’est qu’infinie gambade de nymphes. Aussi la prospérité du nom perdure. La nymphe désigna longtemps la jeune fille convoitée et admirée. Une mince taille féminine ne peut être que celle d’une nymphe. Pour le pire et le meilleur, le mot qualifie certains recoins et prélude à certains excès. Et il n’est pas jusqu’aux lampadaires de nos rues qui ne soient l’écho lumineux des lampades, ces nymphes des enfers porteuses de torches enflammées.