Les Nouveaux Réalistes, par Isaline Bouchet

« Un homme dans l’espace ! Le peintre de l’espace se jette dans le vide ! ».
Voilà comment Yves Klein légende de façon grandiloquente la photographie devenue depuis célèbre dans laquelle, radieux, il s’envole dans le ciel de Fontenay-aux-Roses.
Le 27 novembre 1960, en couverture d’une fausse édition du Journal du Dimanche, l’artiste expose son exploit, figé en plein vol. Il écrit : « Pour peindre l’espace, je me dois de me rendre sur place. [Le peintre de l’espace] doit y aller par lui-même ! ».
Même s’il fait disparaître la bâche tendue qui l’attend au sol, l’artiste saute en effet bel et bien. Il s’élance dans le vide et expérimente physiquement la sensation de l’espace qu’il travaille en peinture, notamment dans ses monochromes.

Différentes postures artistiques radicales explorant ainsi un nouveau rapport au monde constituent « la singularité collective »[1] d’un groupe d’amis devenu les Nouveaux Réalistes. Daniel Spoerri se déclare « metteur en scène d’objet ». Ses « tableaux pièges » capturent des pans de réel qu’ils figent. Christo emballe des objets quotidiens comme la mobylette d’Yves Klein la privant ainsi de toute utilité. Raymond Hains et Jacques Mahé de la Villeglé arpentent la ville, récupérant ou lacérant des panneaux d’affichage qu’ils exposent. Tinguely construit des machineries infernales parfois monumentales comme des répliques décalées, à la fois critiques et poétiques de la société industrielle.

Si « Nouveau Réalisme = Nouvelles approches perceptives du réel »[2] ces artistes concourent à agrandir les contours classiques de l’œuvre d’art, tendance plus large, qui se déploie dans les années 60.

[1] Manifeste des Nouveaux Réalistes rédigé le 27 octobre 1960 au domicile d’Yves Klein.
[2] idem

Isaline Bouchet, enseigne l’histoire de l’art contemporain à l’Ecole du Louvre depuis une dizaine d’années. Elle collabore parallèlement avec des institutions culturelles comme actuellement la CinéFabrique, Ecole Nationale Supérieure de Cinéma à Lyon.