Les bouquets impossibles

31.03.2017
Jan van Huysum (1682-1749) - Bouquet de fleurs dans un vase

Jan van Huysum (1682-1749) - Bouquet de fleurs dans un vase

Au sein du genre pictural dit de nature morte, dont le sujet est un ensemble d’éléments inanimés, les compositions florales forment un genre en soi, porté par des peintres dont c’était la branche pour ainsi dire. Or ces œuvres aux bouquets si vrais sont invraisemblables.  

La nature morte de l’ère moderne est apparue au XVIe siècle et a connu son âge d’or au siècle suivant, portée par les Ecoles du Nord, de Flandre et de Hollande. La peinture d’alors a toujours une portée morale, et particulièrement les natures mortes qui énoncent allégoriquement les vices pour les dénoncer, ce qui leur vaut d’être nommée des Vanités. Mais ces peintures ont tout autant une portée naturaliste, où chaque chose est peinte d’après nature avec une précision méticuleuse et des factures picturales tenues secrètes entre maîtres ou entre ateliers.

Au sein des natures mortes, le genre floral a connu une excellence exquise chez les peintres flamands, d’une part grâce à leur technique de réalisme mimétique, de l’autre grâce au développement de la botanique et du marché floral dans cette région d’Europe. Les fleurs étaient représentées le plus souvent d’après nature, ou bien en recopiant des illustrations d’études botaniques. La beauté réaliste de ces bouquets alliant tant de fleurs et couleurs est manifeste, saisissante et bien connue. Ces tableaux rayonnent, égaient et paraissent embaumer la pièce.

Une première invraisemblance est le vase lui-même, très peu usité encore. Le plus souvent, une fleur avait son vase soliflore. Les grands assortiments de fleurs étaient rares et fort onéreux.
Plus encore, les fleurs en présence, toutes épanouies, ne fleurissent pas aux mêmes saisons. Certains peintres associaient alors de véritables fleurs du moment à des reproductions d’après des dessins botaniques, mais d’autres, comme Jan van Huysum (1682-1749), mettaient une pleine année à peindre un bouquet au fur et à mesure des floraisons successives présentes dans sa composition, et parfois plus, selon la disponibilité des fleurs sur le marché, parfois cultivées dans la région, sinon de provenance lointaine. Certaines pouvaient cependant être contemplées dans le jardin botanique des archiducs au palais du Coudenberg de Bruxelles.

Sublimes, ces bouquets le sont pour toujours, autant que vivront ces toiles radiantes. Véridiques, fleur par fleur, certainement. Mais la vue d’ensemble est une imposture.