Les amours de la vanille

02.03.2015
productionvanille1bis - gousses

La vanille… Cette épice recouvre tant d’Histoire, d’espaces, d’enjeux, de luttes, de populations en faillite et de mauvaises contrefaçons. Pourtant elle n’est associée qu’à sa saveur de plaisir et d’insouciance. Cette orchidée tropicale fait souvent la quintessence d’une soirée d’été. Son arôme participe de la composition de parfums prestigieux. Elle crédibilise aussi de médiocre sent-bons. Bref, la vanille a accompagné tant de soirées amoureuses qu’il est de bonne guerre de parler de ses amours à elle.

D’ailleurs, l’étymologie même de son nom ne laisse aucune ambiguïté. Il dérive phonétiquement d’un terme qui qualifiait la gaine, l’étui, l’enveloppe, le fourreau et sa désignation morphologique dans le corps féminin. Cela est dû à la forme de gousse de son fruit. Or il se trouve que le grand enjeu économique de la vanille fut toujours celui de sa reproduction.

La plante est d’origine mexicaine. Elle était cultivée par les Totonaques qui la vendaient aux Mayas puis à leurs successeurs les Aztèques. Ceux-là finirent par annexer les terres Totonaques : ils s’allièrent donc naturellement à l’envahisseur Espagnol conduit par Cortes pour lutter contre l’empire aztèque de Moctezuma II. Et voilà notre vanille en partance pour l’Europe. Bientôt la France veut l’implanter à l’île Bourbon, la future Réunion. Mais les Totonaques restent les premiers producteurs mondiaux de vanille jusqu’au XIXe siècle. Pourquoi ? Impossible de faire se reproduire cette satanée verdure hors de sa terre natale.

Notre orchidée épiphyte native des forêts du Petén au Yucatan n’est pollinisée que par les abeilles mélipones. Celles-ci choisirent de ne pas être du voyage vers l’Europe. Or le procédé de pollinisation ne fut connu qu’au XIXe siècle. La pollinisation artificielle de la vanille fut produite par un botaniste belge, Charles Morren, en 1836.

Mais c’est un esclave noir de 12 ans de l’île de la Réunion qui découvre la manipulation particulière qui permet la mise en contact des organes reproducteurs de la fleur de vanille. Un pompeux savant français essaiera de lui voler la palme. Aidé de quelques rares honnêtes hommes, son protecteur Ferréol Bellier Beaumont lui fit rendre justice. Cet homme l’avait recueilli et instruit à l’horticulture. Cet esclave s’appelait Edmond. Il prendra le patronyme d’Albius en hommage à la fleur de vanille, alba qualifiant la blancheur en latin. Le noir Albius n’en mourut pas moins dans la misère. Mais la Réunion devint le premier producteur mondial de vanille, dont les secrets de la reproduction artificielle étaient enfin maîtrisés. La culture de la vanille se répandit alors sur une ceinture tropicale d’iles et d’archipels : Maurice, Madagascar et Nosy Bé, Seychelles, Maldives, Comores, Mayotte, Indonésie, Polynésie française, Tonga…

Aujourd’hui, la vanille est toujours manuellement fécondée selon la méthode d’Edmond Albius. Par temps sec, à l’aube, fleur par fleur. Cela explique sa cherté. Cela justifie souvent l’usage abusif de ses déchets et de la vanilline, une synthèse chimique à base de résine d’épicéa ou d’extraits de clous de girofle, en rien comparable au bouquet d’absolu de vanille naturelle.