Le temps au théâtre

12.06.2017
Samuel Beckett (1906-1989), affiche de théâtre pour une mise en scène par Roslaw Szaybo en Pologne (Source Bibliothèque nationale de France)

Samuel Beckett (1906-1989), affiche de théâtre pour une mise en scène par Roslaw Szaybo en Pologne (Source Bibliothèque nationale de France)

Le temps au théâtre, par Eve Mascarau

Le théâtre est un lieu de conventions. La première d’entre elles est de feindre de croire à ce qui se passe sur le plateau, de faire « comme si c’était vrai ». Or, on le sait bien : les comédiens ne sont pas leurs personnages, les décors ne se poursuivent pas en coulisses et le temps, bien qu’il suive son cours normal durant la représentation, connaît dans la fiction des accélérations, des retours en arrière ou des ellipses. Un acteur sort de scène, enfile une veste et une écharpe et rentre aussitôt : six mois se sont écoulés ! Il se grime et blanchit ses cheveux, ce sont dix années !

L’écriture ne s’est pas toujours montrée aussi flexible. Le vœu de faire tenir le temps de la pièce en une seule journée remonte à Aristote et sa Poétique. C’est lui que les auteurs du siècle classique reprennent au nom de la vraisemblance, qui à son tour affecte d’ignorer le mensonge tacite sur lequel repose toute représentation. Il faut attendre Hugo et le drame romantique pour se défaire de cette contrainte : chez lui les personnages traversent les lieux et l’action dramatique s’étire dans le temps.

Dès le XXe siècle les choses s’accélèrent encore et les avant-gardes jouent avec la densité temporelle : le théâtre ne peut-il pas se jouer de l’horloge ? Beckett met en scène l’attente de son Godot et plus souvent encore s’amuse des cycles, qui font se reproduire chaque jour les mêmes événements, chaque soir les mêmes représentations… Est-ce tout à fait la même chose qui se passe dans la répétition ? Voici les mystères du temps et du théâtre eux-mêmes mis en scène.

 

Docteur en arts du spectacle, Eve Mascarau est chercheuse et enseignante à l’Ecole normale supérieure.

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