Le Phénix cosmique

27.11.2017
Philippe Baudelocque - Phoenix

Philippe Baudelocque - Phoenix

Dans le ciel austral, à l’ouest d’Achernar, étoile de l’Eridan, au-dessous du Fourneau et du Sculpteur, bordée par la Grue à l’ouest et le Toucan au sud, d’où elle touche la corne de l’Hydre, brille lointainement la constellation du Phénix, avec sa plus ardente étoile, la géante rouge Ankaa,

Cette constellation avait été pour les premiers astronomes arabes une jeune autruche, Al Ri’āl, puis un griffon (animal imaginaire à figure d’aigle, corps de lion et oreilles de cheval), enfin un aigle. Pour le grand Al Sufi, qui cartographiait en 960 les constellations établies par le grec d’Egypte Ptolémée plus de 8 siècles avant lui, mais qui les observait depuis Chiraz, en Perse, elle ressemblait à un boutre, barque arabe, qu’il nomma telle : Nair al Zaurak.

C’est à l’ère moderne que cette constellation prit un nouvel envol : à la fin du 16e siècle et au début du suivant, les marins et cartographes du ciel austral Pieter Dirkszoon Keyser and Frederick de Houtman en redécouvrirent son tracé invisible attelant des étoiles entre elles. L’astronome français Nicolas Louis de Lacaille en avait identifié les plus lumineuses en 1756. C’est dans l’Uranometria de Johann Bayer (1603) que ses traits fictifs lui valent d’être baptisée constellation du Phénix. Elle est localisée environ entre -39.31° et -57.84° de déclinaison, de 23h26.5m à 02h25.0m d’ascension droite. Le Phénix est le nom grec d’un oiseau universellement mythologique qui s’immole pour renaître, (ainsi que le Simurgh persan, le Khôl sémite, le Fenghuang chinois, le Minka aborigène, ou l’oiseau-tonnerre amérindien). Les constellations du Phénix, de la Grue, de l’Oiseau du Paradis et du Toucan forment les « oiseaux du sud ».

Du ciel boréal, la constellation est trop contigüe à l’horizon pour se distinguer. Elle est très visible depuis l’Australie ou l’Afrique du Sud, en été. Seule Ankaa (phénix en arabe, et α Phoenicis selon la nomenclature internationale) est visible depuis le nord du 40e parallèle : cette géante rouge est promise à un avenir modeste: elle deviendra naine blanche. Le Phénix regroupe plusieurs amas galactiques, dont un éponyme au gigantesque diamètre estimé de 7.3 millions d’années-lumière, inférieur encore à El Gordo (ACT-CL J0102-4915) dont la structure complexe associe des sous-amas en phase de collision aux incommensurables irruptions de gaz spatial…
Le quartette de Robert, dans le Phénix, nomme quatre galaxies en interaction… Dix étoiles de la constellation forment un système planétaire, l’étoile HE0107-5240 y serait l’une des plus anciennes connues, très riche d’intérêt scientifique au sujet des origines, et HLX-1 indique un trou noir putatif. Enfin la constellation est le radiant de deux pluies annuelles de météorites.

Comme il se voit, le Phénix n’est donc jamais qu’une constellation de taille moyenne. Les astronomes la disent « pauvres en objets célestes ». Elle est d’ailleurs peu lumineuse. Cela ne devrait pas surprendre : qui a jamais vu ce fameux phénix qui renaît de ses cendres, aussi réputé qu’introuvable ? Ce semble être la rougeur d’Ankaa, qui trahit sa présence, car l’étymologie grecque du nom de phénix serait « rouge sang ».