Le jus et l’encre

31.07.2017
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Chaque parfum diptyque est relié à une image dessinée à l’encre de Chine, tel un diptyque, ce tableau à deux panneaux dont les sujets se complètent. Ces deux pans, fédérant la matière à l’imaginaire, sont rêvés puis créés avec une égale dignité. Sentir, c’est déjà imaginer.

A l’aube de diptyque parfumeur, en 1968 lorsque est proposée la première eau de toilette, L’Eau, c’était la même main, celle de Desmond Knox-Leet, qui malaxait des pâtes de senteurs et qui tenait la plume. Il s’essayait dans l’atelier du fond de la boutique du 34 boulevard Saint Germain à composer des senteurs de bougie en mélangeant des ingrédients, puis dessinait à sa table les étiquettes et dessins accompagnant les compositions estampillées diptyque. Il se fournissait à la Coopérative des Artistes, ou dans le faubourg Saint-Honoré, en calques, plumes Bagnol et Fargeon et encre de Chine. Les parfums qu’il imaginerait dorénavant, en les confiant à des parfumeurs pour les mettre en vie, et ses dessins, puiseraient d’abord dans les voyages et les mémoires lointaines des trois amis fondateurs.

Chaque parfum a son dessin. Ce dernier n’est illustration du premier que dans la mesure où celui-ci, le parfum, illustre tout autant l’image qui l’accompagne. Depuis toujours, un parfum diptyque est conçu comme le passage en un lieu éthéré qu’évoquent ensemble le jus parfumé et ses lignes tracées à l’encre noire. Desmond Knox-Leet dessinera étiquettes et évocations imagées des senteurs jusqu’à sa mort, en 1993. Yves Coueslant, l’ami fondateur,  dessinera à sa suite toutes les illustrations des eaux diptyque jusqu’en 2006.

Le temps des fondateurs n’est plus, mais leurs fondations inventives et artisanales, leur goût de collaborations suivies, se perpétuent par la tradition et l’esprit d’une maison. Pour tout parfum qui se conçoit prévaut alors le juste choix des créateurs, le parfumeur et le dessinateur, dont l’expression personnelle, orchestrée par la Maison, saura insuffler, qui le jus qui l’image, l’esprit à une idée.

Cette alliance initiale et perpétuée du parfum et de son évocation graphique s’observe dans le flacon : l’illustration est reproduite au dos de l’étiquette du flacon, de façon qu’en le retournant, c’est au travers du liquide parfumé que se voit son dessin flottant. L’image ne montre son visage que du bout de son nez.