Le jardin anglais

17.04.2017
Jardin de Claremont, conçu par Lancelot Brown (1716 – 1783), (© James Long)

Jardin de Claremont, conçu par Lancelot Brown (1716 – 1783), (© James Long)

Le jardin était dans le goût du XVIIIe siècle européen. Le style du jardin paysager qui y éclot en Angleterre vient illustrer, au sens métaphorique et réel à la fois, tout un courant d’aspiration esthétique de la culture européenne qui préfigure le romantisme futur.

Les jardins du Grand Siècle, couramment appelés à la française, prolongeaient l’architecture d’un château par leur géométrie topiaire (haies et massifs taillés), dont l’horizon dégagé, la superficie plane, les lignes claires et leur symétrie, les plans d’eau cadrés aux jets réglés manifestaient une domestication de la Nature.

Le jardin à l’anglaise met en scène un paysage bucolique et agreste pour  faire voyager le regard, surprendre le promeneur et disposer l’esprit à la rêverie. C’est d’abord l’évocation de l’Antiquité qui inspire ces jardins paysagers, qui évoluent au cours du siècle vers un art horticole idéalisant la nature et l’organisant comme une succession de panoramas qui sont autant d’échappées pour l’œil que pour l’émotion.
Aussi la composition de tels jardins privilégie-t-elle l’asymétrie, les reliefs accidentés, petits bois, grottes et cascades, précipices de théâtre, ru chantant sous des arbres pleureurs, prairie déclive, avec une imprécision concertante des contours qui estompe un pan de la vision, invitant à y porter ses pas, ou bien à s’absorber dans les évocations qu’elle suscite. Les brumes dormantes du pays y sont propices… Une part baroque permet d’outrer certains effets visuels, forçant les jeux de perspective, par exemple une allée d’arbres faussement parallèles suscitant une illusion de profondeur pour mettre en valeur la petite folie bâtie à son extrémité.

Le modèle de cet art est la peinture. « La poésie, la peinture et l’art des jardins […] seront considérés comme trois sœurs, ou comme les trois nouvelles Grâces qui habillent et ornementent la nature. » écrit Horace Walpole (1717-1797). Le mot pittoresque, qui qualifie typiquement ces ouvrages d’une nature imaginaire, est une francisation du terme anglais « picturesque » : qui vient d’une image, d’un tableau.

Ce nouveau style, dont les inventeurs principaux furent les dessinateurs paysagistes Stephen Switzer et Batty Langley, ainsi que l’écrivain Alexander Pope, trouva son génie en William Kent et Lancelot Brown. Ce style conquit l’Europe entière. Marie-Antoinette désira son jardin anglais au Trianon. Ce fut aussi le modèle d’inspiration, dans la seconde moitié du siècle suivant, des jardins publics parisiens conçus sous le Second Empire.

Ce nouveau rapport horticole aux volumes touffus, aux couleurs variées, à l’usage de plantes vivaces et grimpantes, aux espèces anciennes plus résistantes, aux arbustes, à la confection de haies protectrices et de fourrés, organise une nature d’agrément suffisamment abondante pour que les animaux y gîtent et vivent ensemble. Il fonde un art du jardin moderne qui, comme les plantes qu’il préconise, persiste jusqu’à nos jours.

La paysagiste anglaise Gertrude Jekyll (1843-1932), associée au mouvement Arts and Crafts et l’écrivain jardinier irlandais William Robinson (1838-1935) conçurent un paysagisme nouveau encore vivant dans le cottage anglais et dans bien des jardins publics du monde. Robinson est d’ailleurs tenu pour être l’ancêtre du New Perennial Movement dont Mien Ruys fut la théoricienne et Piet Oudolf son éminent représentant.

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