Le Dragon astral

04.12.2017
Philippe Baudelocque - Dragon

Philippe Baudelocque - Dragon

Eltanin et Rastaban en seraient ses yeux qui fulgurent dans le noir, dessinant avec Grumium et Nul le losange de son visage d’étoiles. Puis, serpentant par les astres Altai, Chi, Zet, The, Edasich, Thuban et Kap, se tord son corps de monstre stellaire de Dragon.

Jadis intégrée au Dragon, la constellation de la Petite Ourse en dessinait l’aile, donnant au reptile mythique sa complète majesté. Mutilée de son aile sidérale, la constellation du Dragon reste la 8ème plus vaste sur l’inventaire cosmique arrêté à 88. Son losange de tête se place entre les constellations de la Petite Ourse et de la Lyre, et ses deux yeux sont alignés sur l’aile nord du Cygne. La queue du Dragon longe la Grande Ourse. Les autres constellations contigües sont la Girafe, Céphée, le Cygne, Hercule, le Bouvier. Le Dragon est une constellation dite circumpolaire pour les observateurs situés aux latitudes tempérées de l’hémisphère Nord (entre 40 et 50°N), car visible toute l’année. Le Dragon est une constellation antique, recensée par Ptolémée (2ème siècle après J.C.).

Thuban, mot arabe nommant le dragon, fut la précédente étoile polaire, honorée d’un culte dans la civilisation d’Egypte antique, dont de nombreuses constructions cultuelles sont alignées dans sa direction. C’est une étoile binaire à 300 années-lumière du soleil et autant de fois plus lumineuse que lui. Le changement d’axe de rotation de la terre a depuis déplacé le point de projection du nord polaire sur Alpha Ursae Minoris dans la Petite Ourse qui endosse pour un temps le statut d’étoile polaire. Eltanin, l’œil ouest de la constellation, ou γ Draconis selon la juste nomenclature, est la plus brillante étoile du Dragon. Géante orange 600 fois plus lumineuse que le soleil à environ 150 années-lumière, elle frôlera notre système solaire de moins de 30 années-lumière dans 1.5 millions d’années. L’autre œil, Rastaban (ou β Draconis ), déformation d’Al Ras al Thuban, tête du Dragon en arabe, est une supergéante 40 fois supérieure au soleil, à quelques 400 années-lumière. La constellation du Dragon abrite un troisième œil : l’Œil de Chat, une nébuleuse planétaire affectueusement surnommée NGC 6543.
Parmi ses 217 étoiles visibles, Mu, ou Alrakis, Nu, Omicron et Psi, au commun patronyme de Draconis, sont des doubles étoiles, et 39 Draconis un complexe gravitationnel de trois étoiles. Mais surtout, le Dragon héberge Kepler-10, naine jaune semblable au soleil, dont le système planétaire comprend l’exoplanète Kepler-10b, la plus petite super-terre connue hors du système solaire.
Le Dragon n’est pas en reste de galaxies, parmi lesquelles NGC 5866, une galaxie spirale. Et au loin dans le temps fait signe un Quasar, source de rayonnement quasi-stellaire à 7 milliards d’années-lumière – années bissextiles comprises.

On ne sait trop quel dragon fait luire sa silhouette infinie dans la voute galactique. L’animal est une figure archétypale universelle. On suppute ici un aïeul grec, mais lequel ? Il y en eut nombre dont Python, l’Hydre de Lerne, Le dragon de Colchide, celui de Thèbes… ce pourrait être Ladon, chargé par Héra de garder les pommes d’or du jardin des Hespérides et défait par Hercule. Héra aurait accroché sa dépouille aux cieux pour l’honorer de sa reconnaissance. Or la constellation du Serpent se réclame aussi de Ladon ! Il se pourrait alors que ce fût Zeus lui-même, métamorphosé, entre ses deux nourrices, les Petite et Grande Ourse…