Le ciel antique de Cy Twombly

22.12.2017
Cy Twombly - Plafond de la salle des bronzes (détail), Musée du Louvre, Paris

Cy Twombly - Plafond de la salle des bronzes (détail), Musée du Louvre, Paris

Le ciel antique de Cy Twombly, par Etienne Sallon

Un ciel d’un bleu intense sur lequel viennent danser des cercles, tels des astres s’écartant pour mieux en ouvrir l’espace, semble flotter au-dessus de la Salle des Bronzes du Musée du Louvre. Le Plafond ou The Ceiling – ainsi que l’a sobrement baptisé son auteur Cy Twombly – crée une respiration dans la succession des salles du musée, comme un écrin pour sublimer les collections antiques qu’il surplombe. Cette œuvre réalisée en 2010 par l’artiste d’origine américaine est la troisième commande passée par le Musée auprès d’artistes contemporains, après Anselm Kiefer et François Morellet. Comprendre la réalisation de cette gigantesque fresque impose de revenir aux origines du travail de son créateur.

Cy Twombly appartient à cette génération d’artistes américains qui, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, trouvent une nouvelle approche de la peinture à travers l’abstraction et son potentiel d’expressivité. Ainsi, aux côtés de Jackson Pollock, Willem De Kooning  ou encore Franz Kline, Twombly explore les champs du possible laissés ouverts par cet élan créatif. Cependant, très rapidement, il se distingue de ses pairs par sa fascination pour l’antiquité et l’histoire méditerranéenne. Très tôt, dès 1952, il entreprend des voyages en France, en Italie et jusqu’en Afrique du Nord aux côtés de son ami Robert Rauschenberg à la recherche des fondements de l’art et de notre civilisation occidentale. Cette passion le conduit d’ailleurs à venir s’installer définitivement à Rome en 1957. L’œuvre de Cy Twombly se nourrit de références à l’histoire, à la littérature et à l’art dont il tire, extrait, des symboles, des annotations qu’il retranscrit en une écriture nerveuse, parfois quasi illisible, sur ses toiles tel un archéologue qui recouvrirait volontairement une partie des vestiges découverts afin d’en conserver tout leur mystère. « Ce que j’essaie d’établir, c’est que l’art moderne n’est pas une chose isolée, c’est quelque chose avec des racines, une tradition et une continuité. Pour moi, le passée est la source. » explique-t-il.

Lorsque l’artiste reçoit cette commande de la part du Musée du Louvre, c’est donc naturellement qu’il souhaite faire entrer en résonance son œuvre avec l’histoire de la sculpture grecque. Il choisit d’y faire figurer les noms de sept des plus grands sculpteurs de l’antiquité, dont les créations nous sont uniquement parvenues à travers la littérature ou des copies anciennes.  Phidias, Lysippe, Myron, Praxitèle, Polyclète, Céphisodote, Scopas : en apposant ces noms légendaires en lettres grecques, il renoue avec la tradition des plafonds ornés des églises et des panthéons. Sculpteur lui-même, Twombly canonise ici les pères originels de la sculpture classique.  L’occasion est trop belle de retrouver la piste de ceux qu’il admire, à commencer par Giotto dont le bleu de la chapelle Scrovegni de Padoue trouve ici une résonance toute particulière. Les cercles peints par Twombly représentent autant des boucliers que des planètes, telle une cosmogonie qui prendrait sa source de ces sept figures tutélaires. A l’image de la création artistique, ces cercles tels des astres, tour à tour lunaires ou solaires, se juxtaposent en des éclipses sans cesse renouvelées. Témoignage et testament, Le Plafond peint par Twombly nous éclaire sur l’apparente simplicité d’une œuvre à la profondeur unique.  « Je voulais un sentiment de flottement, de légèreté au-dessus de cette surface immense. […] J’ai laissé le plafond ouvert sur le ciel bleu, un ciel Giotto. »

 

Etienne Sallon est spécialiste en art contemporain chez Christie’s Paris.