La dominoterie

13.01.2017
Détail d’un papier dominoté conçu comme décor mural. Le « papier de tapisserie » est considéré comme l’ancêtre du papier peint ; (collection de l’auteur, photo © Corinne Schanté-Angelé)

Détail d’un papier dominoté conçu comme décor mural. Le « papier de tapisserie » est considéré comme l’ancêtre du papier peint ; (collection de l’auteur, photo © Corinne Schanté-Angelé)

Les papiers dominotés, par Valérie Hubert

Un papier dominoté est une feuille de papier décorée dont le motif a été imprimé à la planche de bois et les couleurs appliquées au pinceau ou au pochoir.
En France, ces feuilles de papiers ornées de motifs géométriques ou floraux ont connu leur apogée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
À cette même époque, d’autres pays se distinguent aussi par l’importance de leur production et pour certaines spécificités d’impression. L’Allemagne privilégie l’impression à la plaque de cuivre, ce qui donne des papiers « gaufrés dorés ». L’Italie pratique l’impression à l’aide de plusieurs planches de bois et offre des décors élaborés et richement colorés.

Les papiers dominotés étaient fabriqués par les dominotiers, artisans qui parfois exerçaient aussi les métiers de cartier (fabricant de cartes à jouer) ou d’imagier (fabricant d’images). L’histoire de la dominoterie est complexe. Les dominotiers sont mentionnés très tôt dans l’histoire. En 1540 ils sont rattachés à la corporation des « cartiers, feuilletiers, maîtres dominotiers imprimeurs d’histoire », mais à quel moment le dominotier imprime-t-il des motifs décoratifs ? La frontière est très floue entre imprimeur, graveur, dominotier, cartier, fabricant d’images, et les documents sont trop rares avant le XVIIIe siècle pour le dire.

Les papiers dominotés sont utilisés pour garnir l’intérieur de boîtes, tiroirs et petit mobilier, ils ont principalement servi de couverture d’attente aux livres et brochures.
Les papiers imprimés de grands motifs floraux tentent de reproduire les tissus de brocart, les cuirs de Cordoue et les indiennes. Ils ont été envisagés comme décor mural. Assemblés les uns à côté des autres, ils forment un dessin continu et répétitif. On ne parle pas encore de papier peint mais de « papier de tenture » ou « papier de tapisserie ».

Les dominotiers sont installés un peu partout en France. Paris, Chartres, Le Mans et Orléans sont les plus importants centres de production d’imagerie populaire et de papiers décorés de l’époque. Les créations orléanaises sont aujourd’hui prédominantes dans toutes les collections.

L’atelier du dominotier est modeste, parfois organisé en petite structure familiale. Il grave lui-même la planche de bois ou fait appel à un artisan-graveur. L’impression du bois se fait au « frotton » sur une feuille de papier au format dit « couronne » (environ 45 x 36 cm), les couleurs, composées de pigments naturels et de gomme arabique, sont ensuite rajoutées à la main ou au pochoir. La feuille porte en marge son nom, sa ville et un numéro de planche.

Les papiers dominotés étaient imprimés en milliers d’exemplaires par l’artisan. Ils étaient diffusés en masse et vendus à un prix modique. Ces estampes fragiles, destinées à un usage éphémère et longtemps peu considérées du fait de leur caractère populaire sont devenues rares. Elles ne se sont pas tout à fait dissoutes dans l’oubli car depuis quelques années historiens, collectionneurs et artisans font revivre cet art.

 

Texte extrait du livre « Les papiers dominotés, une collection particulière » édité par Valérie Hubert à l’occasion de l’exposition de sa collection à l’atelier « A Paris, chez Antoinette Poisson » en décembre 2016 (pour plus d’informations : presdupont@bbox.fr)