Karl Blossfeldt

13.04.2015
Adiantum pedatum (Karl Blossfeldt,1928)

Adiantum pedatum (Karl Blossfeldt,1928)

L’herbier photographique de Karl Blossfeldt

Elodie Morel, Directrice des ventes de Photographies chez Christie’s, revient sur l’œuvre de Karl Blossfeldt.

Volutes enchevêtrées, plissés réguliers, bourgeonnements naissants, nervures abondantes et ordonnées, tout l’art de Karl Blossfeldt réside dans les nombreuses photographies de végétaux auxquelles il consacra toute sa carrière. Envisagées comme un répertoire destiné à servir d’inspiration aux créations décoratives des années vingt, ce sont plus de six mille photographies qui témoignent de sa fascination pour l’ornement.

Étudiant à l’École des Arts Décoratifs de Berlin, il entreprend un long travail pour rassembler, herboriser, dessiner et modeler la nature afin de créer un portfolio unique de végétation. À Berlin, à Rome, en Grèce ou en Afrique, une véritable collecte optique, un inventaire photogénique du réel et de la flore.

Un herbier photographique rappelant les travaux naturalistes des siècles passés. L’herbier n’est plus alors une simple collecte de plantes séchées pouvant servir à l’étude de la botanique, car Blossfeldt conçoit la forme végétale et son mode de croissance comme un modèle universel et idéal applicable non seulement à l’être humain mais aussi à l’architecture et aux arts industriels. Un chardon évoquant les tympans gothiques, une tige de prêle rappelant une colonne antique ou encore ces fougères aux extrémités enroulées telles des crosses d’évêques.

Seul l’agrandissement lui permet de souligner ou révéler un détail, une texture, une forme ou une symétrie. Pour faire ressortir les formes et les modèles, Karl Blossfeldt respecte toujours le même protocole qui témoigne du goût et de la patience d’un homme dont l’objectif était de montrer et convaincre pour générer de nouvelles créations, et permettre de toucher du regard ces matières rugueuses, duveteuses ou granuleuses. Les plantes prises sur un fond de carton neutre, blanc ou noir pour en dégager les contours, pouvaient être fixées par le biais de substances collantes mais aussi bien souvent taillées pour en ôter les ramifications inutiles. Enfin, Karl Blossfeldt ajoute la dénomination latine de chaque plante, véritable reconnaissance scientifique du végétal à une époque marquée par un matérialisme scientifique très en vogue.

Calices de fleurs, rameaux d’Erable ou de Cornouillier, feuille de Panicaut, pied d’Alouette ; l’enseignement de Karl Blossfeldt commence par la culture des lignes, par l’observation des proportions et des volumes de bases de la nature. De ce retour aux formes originelles, Karl Blossfeldt en extrait des formes nouvelles et inédites d’une beauté rigoureuse proches de l’Art Nouveau qui témoignent de l’objectivité de sa vision et séduisirent toute une nouvelle génération de photographes. Ses photographies apparaissent comme l’œuvre d’un modeleur ornemaniste, d’un ouvrier des formes ; et ce corpus d’images nous laisse un principe simple à savoir que la forme de la nature précède la forme artistique.