Josef Sudek au Jeu de Paume

01.08.2016
Josef, Sudek, Dans le jardin enchanté, 1954–1959
de la série Souvenirs
épreuve gélatino-argentique
17 × 23,3 cm
Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa
Don anonyme, 2010
©Succession de Josef Sudek

Josef, Sudek, Dans le jardin enchanté, 1954–1959 de la série Souvenirs épreuve gélatino-argentique 17 × 23,3 cm Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa Don anonyme, 2010 ©Succession de Josef Sudek

Présentation de l’œuvre de du photographe Josef Sudek (Kolín, 1896 – Prague, 1976) et de son amitié avec Rothmayer, par Jan Mlčoch

L’amitié entre artistes se fonde généralement sur une compréhension mutuelle et une certaine habileté à décoder les mystères de la pratique créative de l’autre. Sudek et Rothmayer, qui font connaissance pendant la guerre, partagent un respect pour la tradition et les arts appliqués. Et ce sont deux amoureux de Prague. Sudek affectionne particulièrement le château et, au fil des ans, il le photographiera chaque saison. Ses scènes de genre et photographies d’atmosphère rendent la monumentalité de l’ensemble ou bien certains détails choisis avec soin. Quant à Rothmayer, il travaille en collaboration avec l’architecte slovène Jože Plečnik (1872–1957), chargé par le premier président de la Tchécoslovaquie, Tomáš Garrigue Masaryk (1850–1937), du chantier de la restauration du château dans l’entre-deux-guerres. Les deux architectes apportent des modernisations importantes à l’ensemble du château, et réalisent la résidence présidentielle d’été à Lány, entre autres. Rothmayer poursuit certains des projets entamés par Plečnik quand ce dernier se retire à Ljubljana, sa ville natale. Il a rencontré Sudek lors de la Deuxième Guerre mondiale.

Au cours des années 1950 et dans la première moitié des années 1960, Sudek et Rothmayer se rencontrent plus souvent dans la propriété de l’architecte qu’au château. Sa maison, sise dans un paysage exceptionnel, est entourée d’un jardin aménagé dont certains éléments ont été dessinés par Rothmayer.Bien qu’il s’agisse d’une petite parcelle, on y trouve quantité de spécimens exotiques, notamment du houx, plante étrangère à la région, ainsi qu’un ginkgo, un arbre très rare à l’époque. L’architecte a placé dans cet espace de verdure de gracieux meubles de jardin du XIXe siècle ainsi que des prototypes de chaises et de fauteuils qu’il a conçus pour le château de Prague. Tous ces éléments contribuent à créer une atmosphère unique, intensifiée par des bougies et un système d’éclairage fait de barres d’acier et de béton. Il s’agit d’un refuge, d’une oasis. Sudek réalise des photos de l’intérieur de la maison, du bureau, de l’escalier en colimaçon et du jardin. Ses photographies prises de nuit nécessitent parfois des temps d’exposition assez longs. Le travail photographique devient alors ludique. Certaines photos enregistrent l’ombre furtive de l’architecte, qui s’est amusé à passer devant l’objectif de la caméra, alors que d’autres laissent voir la présence de personnes, d’animaux ou de choses grâce à une faible trace de lumière. On aperçoit le reflet d’une vieille lampe à travers les branches, et des yeux de verre donnent vie à une sculpture baroque ou au tronc d’un arbre mort. Des masques ou des bustes sont transformés en amants. La résidence et le jardin deviennent ceux d’un habile magicien. Les aires et les sentiers de ce jardin luxuriant inspirent à Sudek une série, Promenade dans le jardin magique (1948–1964), de même que plusieurs photographies qui feront partie de la série Souvenirs. Rothmayer, qui est fasciné par le classicisme et la renaissance, conserve plusieurs moulages de statue de ces périodes, ainsi que des reproductions de bustes baroques et des fragments des gigantesques vasques du palais de Troja à Prague. Il possède également une collection de barres de fer rouillées, de pierres et de plaques de verre qu’il emploie pour créer des éléments de décor ou des systèmes d’éclairage. L’atelier de Sudek, au 28 de la rue Újezd et, plus tard, son appartement au 30 de la rue Úvoz sont aussi remplis de sculptures, de peintures, de nombreux souvenirs provenant d’artistes et d’amis – du passé comme du présent –, ainsi que d’une profusion d’artefacts à première vue sans intérêt, mais qui auront une place dans ses natures mortes. Collectionner, voilà une autre passion que les deux amis partageaient.

 

Jan Mlčoch est un artiste tchèque.

 

Josef Sudek au Musée du Jeu de Paume
Exposition « Le monde à ma fenêtre » du 07 juin au 25 septembre 2016, Concorde, Paris