Les jardins de Piet Oudolf

03.04.2017
Jardin privé ( © Philippe Perdereau)

Jardin privé ( © Philippe Perdereau)

Piet Oudolf, est une figure de proue du « design végétal ». Cet horticulturiste néerlandais est particulièrement renommé pour ses jardins urbains, dont la High Line à New York. Son succès consacre au grand public le « New Perennial Movement », que ses jardins ont fait évoluer.

Le « New Perennial Movement » est une conception de l’art végétal initiée par la grande architecte de jardin néerlandaise Mien Ruys (1904-1999), et dont la paternité lointaine serait de l’irlandais William Robinson (1838 -1935) et de son amie la grande paysagiste Gertrude Jekyll (1843-1932). Ruys privilégiait les plantes pérennes (au dépens des fleurs saisonnières), une articulation claire des matières (bois, eau, allées en gravier, traverses en bois) avec une géométrisation inspirée de la simplicité des jardins japonais ; plus généralement, ce courant priorise la naturalité d’un paysage de jardin. La longue carrière créative de Piet Oudolf a étoffé cette armature conceptuelle de considérations écologiques et d’une organisation végétale moins graphique, plus naturelle et adaptée au biotope local.

L’horticulteur designer au renom international a publié divers ouvrages théorisant ses recherches et expérimentations, qui sont autant de guides manuels pour créer son propre jardin et comprendre sa manière de procéder, de façon à la fois rigoureuse et ouverte aux lieux, latitudes et destinations d’un jardin.
Voici quelques grandes propositions et règles de son art de l’architecture végétale. D’abord, concevoir un jardin des quatre saisons, relativement à sa région, avec des plantes résistantes qui structurent son espace toute l’année. Procéder par superposition de plans qui se chevauchent, produisant des bandes complémentaires, d’herbes en  touffes, de plantes hautes, d’arbustes, d’arbres… Près de ¾ des plantations doivent être constituées de plantes qu’Oudolf désigne « structurelles », les vivaces ainsi que les appellent les jardiniers, parce qu’elles conservent un intérêt visuel jusqu’à l’automne voire durant l’hiver, le grand ¼ restant étant dévolu aux fleurs et feuillages de couleurs qui ne resplendissent qu’une courte période et ne passent pas l’été. L’ordre des plantations doit produire un rythme visuel par la répétition de thèmes (par des végétaux structurant la composition) qui réapparaissent de loin en loin au fil de la vue ou de la promenade. Piet Oudolf mentionne aussi l’importance d’un fond végétal matriciel sur lequel se distingueront des groupes de plantations visuellement attractifs : ce fond matriciel sera souvent d’herbes hautes, surtout celles qui conservent leur présence et volume le plus longtemps sans avoir à être remplacées ou replantées. Il enjoint ici à puiser d’abord dans la richesse végétale locale, à commencer par les végétaux qu’affectionnent abeilles, oiseaux et papillons. Ce tissu végétal naturel à un lieu pourra ensuite être agrémenté, mis en valeur et contrasté par des plantes étrangères, voire exotiques, dans la mesure où elles sauront s’acclimater sans trop d’interventions et protections particulières du jardinier. Il s’agit de produire un espace naturel vivant, et non un spectacle d’artifices végétaux éphémères et fragiles. Cet espace doit être conçu en accord avec l’environnement extérieur qui lui fait un cadre : ce peut être la rangée d’arbres d’un voisin, une allée, des buildings, la ligne d’horizon, des montagnes, etc. L’art d’associer les plantes en les disposant par plates-bandes doit enfin s’attacher à flouter les contours des délimitations végétales, plutôt qu’opérer par lignes nettes de séparations, en choisissant des végétaux volumineux qui empiètent les uns sur les autres par leur autoreproduction. Car cette imprécision organisée crée du mystère et invite à la rêverie. Les étagements de hauteurs parsemés de bosquets produisent de douces harmonies de couleurs, usant d’inflorescences verticales, préférablement aux grands massifs voyants. Ces jardins ont de la douceur, jouant de couleurs délicates et nuancées. Oudolf invite aussi à apprendre à apprécier les teintes brunes et automnales. La vie est cycle, et il est juste de laisser feuilles mortes et tiges sans feuillages participer de la beauté du jardin… D’autant que le givre viendra tantôt les faire miroiter.
Ce sont là quelques grandes lignes de l’empreinte de Piet Oudolf, toujours évolutives et ouvertes, non normatives, travaillant à inventer une nature qui ne soit pas un décor mais un petit écosystème riche et cohérent, au service esthétique et pratique de ses usagers.

Hummelo, le jardin personnel de Oudolf et son épouse dans la région d’Arnhem, en évolution depuis plusieurs décennies, est si connu qu’il est une attraction touristique. Parmi les grandes créations du designer sont, outre la fameuse High Line, les Jardins du souvenir également à New York (en mémoire des attentats du 11 septembre), le parc du millénaire à Chicago, ainsi bien sûr que de très nombreux parcs privés et publics en Europe.

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