James Turrel: la matière de la couleur

29.06.2018
James Turrell - The light inside.

James Turrell - The light inside.

James Turrell est un artiste américain vivant. Sa matière première est la lumière. Cette lumière est indissociable de l’espace vide qu’elle emplit. Son art est ainsi une œuvre d’immatérialité qui se vit plus encore qu’elle ne se voit, et dont le matériau ultime est la perception du spectateur.

Diplômé en mathématique et en psychologie de la perception avant de parachever un cursus universitaire en art, James Turrell présente ses premières projections de lumière en 1969. Cette recherche expérimentale en lumière – en ce sens qu’elle implique un public qui s’éprouve au sein de ses œuvres de spatialisation lumineuse – constitue l’essentiel de ses travaux, souvent désignés par l’expression d’ « environnement perceptuel. »

Si la lumière est presque toujours associée à l’intelligibilité, à la clarté des idées et des représentations, à la compréhension d’un espace géographique, James Turrell met au rebours la lumière à l’épreuve sensorielle afin de donner à voir son ombre, son mystère, ses mirages et son invitation à la méditation spatiale et cosmique, plutôt qu’à la pensée géométrique aux angles et aux arêtes délimités.

L’œuvre de Turrell est considérable. Nombre de ses travaux sont déjà collectionnés par les plus grands musées et collections privées. A moins que l’artiste exprime son dissentiment à cette approche, il semble permis de distinguer deux pans dans ses travaux : le premier regroupe ceux qui travaillent la lumière artificielle, le second ceux qui mettent en scène et en condition perceptive la lumière naturelle.
Ces deux pans sont une approche architecturale de la lumière. Dans le premier, ce sont les projections de lumières qui bâtissent l’architecture de son dispositif, tandis que l’autre crée des aménagements architecturaux (les « skyspaces ») laissant pénétrer la lumière naturelle.

Les œuvres de lumière artificielle créent leur espace, avec ses lignes de lumières et ses murs de couleurs, ses mutations chromatiques qui font errer l’esprit hors de ses repères tangibles. Ces œuvres-là seront aménageables dans des musées, transportables et ré-agencées selon le lieu, ou éventuellement l’évènement.
Les œuvres de lumière naturelle sont des pièces, souvent souterraines et accessibles par des galeries, qui accueillent la lumière du ciel, dans lesquelles le visiteur se recueille. La dimension spirituelle de la lumière y est plus prégnante. Sa réalisation la plus renommée est celle du Roden Crater à Flagstaff en Arizona, qu’il a acquis : il y a fait creuser diverses chambres d’hospitalité de la lumière, en s’associant ici à Gene Sequakaptawa, chef indien Hopi pour s’inspirer des kivas de sa tribu, ces pièces circulaires semi-enterrées  en lesquelles se célébraient leurs rites religieux. Le Roden Crater est l’œuvre d’une vie, encore en chantier. Pharaonique et ruineuse, cette œuvre inachevée est toujours en chantier et non visitable encore (http://rodencrater.com). « Il n’y a pas d’image dans mon travail, car la représentation ne m’intéresse pas. Je suis intéressé par la vision intérieure. Le point de jonction entre vision intérieure et regard sur le monde n’est qu’une métaphore pour désigner ces espaces ouverts sur le ciel, les Skyspaces. ». James Turrell a conçu des skyspaces dans le monde entier, ainsi qu’en certains musées. Silencieux et nus, ils ouvrent un espace intérieur de perception cosmique. Le skypace est une expression du « land art. »

Aviateur émérite, d’ailleurs cartographe aérien en ses jeunes années, artiste s’intéressant aux sciences et à la technique, dont l’approche neurobiologique de la perception, homme croyant affilié à la Société religieuse des Amis (les quakers), citoyen américain revendiquant ses origines irlandaises, où il réside une partie de l’année, toutes ces données convergent dans l’œuvre de James Turrell, où la lumière est une invitation à séjourner dans une conscience profonde où luit une piété envers le Cosmos.

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