Herbarium de Fontcuberta

29.08.2016
lavandula angustifolia, photographie de Joan Fontcuberta  
(© Joan Fontcuberta)

lavandula angustifolia, photographie de Joan Fontcuberta (© Joan Fontcuberta)

Herbarium, de Joan Fontcuberta, par Nathalie Parienté

Dès lors que l’on s’intéresse à l’organisation du savoir, à sa circulation et aux formes d’autorité sémantique de l’image, le travail de l’artiste visuel Joan Fontcuberta (Barcelone, 1955) est incontournable. A travers ses œuvres les plus emblématiques, l’artiste manie la fiction avec ironie afin de créer une dynamique du doute.

Au centre du projet Herbarium (1982-1985), il y a bien évidemment l’hommage-critique rendu à Karl Blossfeldt, dont les ouvrages mythiques « Urformen der Kunst » (1928) et « Wundergarten der Natur » (1932), réunissent d’immenses collections de bourgeons, tiges, feuilles et fleurs. Normalisant le standard de la photographie scientifique, l’intention de Blossfeldt est au départ toute autre : professeur de sculpture et de forge artistique, il n’a qu’une ambition : montrer, par le biais de ses humbles témoignages photographiques, comment la nature a pu créer l’harmonie la plus parfaite. Ses photographies n’ont d’autres vocations que de divulguer ce message. Produites comme d’humbles matériaux pédagogiques, elles devinrent des icônes dans l’histoire des formes.

Cinquante ans plus tard, avec Herbarium, projet fondamental dans le parcours de Joan Fontcuberta, l’artiste inverse le processus. Il récupère des détritus, dans son jardin notamment, et fabrique ces pseudo-espèces qu’il photographie en parodiant les postures documentaires, frontalement et sur un fond neutre.

Mais au-delà d’une réflexion sur le simulacre et le « trompe-l’œil », avec Herbarium Joan Fontcuberta porte un regard ironique sur la nature, provoquant une tension dialectique entre le sublime et le dérisoire. Une nature abîmée par la main de l’homme surtout, son industrie, ses technologies et qui désormais, ne peut plus être un idéal à célébrer.

A moins que l’artiste ne la réinvente pour y puiser ses formes.

Nathalie Parienté

Grenade, juin 2016

 

Nathalie Parienté est commissaire de l’exposition «Joan Fontcuberta. Ad Litteram», Universidad Internacional de Andalucía, Málaga, 23 juin – 29 juillet 2016.