Guide de la gravure

19.11.2015
Les quatre cavaliers de l'Apocalypse, extrait de L'Apocalypse, 1497-98 (Albrecht Dürer, 1471-1528)

Les quatre cavaliers de l'Apocalypse, extrait de L'Apocalypse, 1497-98 (Albrecht Dürer, 1471-1528)

Il existe maintes techniques variées qui toutes ensembles sont regroupées sous le terme de « gravure », chacune ayant sa propre histoire et ses artistes qui y ont excellé. La gravure, qui désigne la capacité à créer une image puis de la reproduire indéfiniment à l’identique, existe depuis des siècles. Sans doute nos ancêtres du néolithique qui dessinaient à la main à même les parois des grottes pourraient être considérés comme les inventeurs du pochoir – ou de la gravure.

Prenez un dictionnaire de la gravure, et vous serez rapidement submergé par le nombre impressionnant de techniques présentées, et leur complexité. Le point de départ pour toutes est la surface sur laquelle elle sera produite (la matrice). Il est deux principaux types de surface : un support de relief, ou bien une surface plane.

Sur une surface de relief, l’image est produite par l’entaille ou le grattage de la matrice elle-même. Les exemples rassemblent la gravure sur bois, la linogravure, la gravure en propre, ou la gravure à l’eau-forte et l’aquatinte. Les gravures sur bois, où un motif est creusé dans le bois, sont probablement les plus anciennes formes artistiques de gravure qui remontent au 9e siècle en Asie et au 14e en Europe, parmi lesquelles figure la fascinante série de l’Apocalypse réalisée par Albrecht Dürer en 1498. Une autre technique de gravure en relief est celle d’entaille et grattage à la main d’un motif sur une plaque de métal. Cette technique fut fort en usage dans les deux Renaissances, du nord et du sud de l’Europe. Enfin, la dernière de cette catégorie, l’eau-forte (et sa technique affiliée qu’est l’aquatinte) utilise une plaque de métal comme matrice, mais en faisant usage d’acide dont la morsure de la matière inscrit le dessin dans le métal à la place d’un outil à main. Rembrandt est considéré comme le Maître de cette technique. Plus récemment, Picasso a produit plus de 500 eaux-fortes. Jasper Johns, Barnett Newman, William Kentridge et Peter Doig ont tous fait de l’eau-forte un élément central de leur art.

Le second groupe de techniques de gravure est celui où l’image s’inscrit sur une surface plate. Lithographie, sérigraphie, impression moderne à jet d’encre ou techniques d’impression photographique, toutes convoquent encres ou pigments qu’elles transfèrent sur ou dans le papier. La lithographie est un processus complexe, qui comprend beaucoup plus d’étapes que les autres techniques pour effectuer ce transfert de l’image finale. Au sommet de sa popularité, au 19e siècle, les studios de lithographie se sont multipliés à travers l’Europe, et des artistes tels qu’Henri de Toulouse-Lautrec ou Edvard Munch recherchèrent l’assistance de lithographes de grande adresse. La sérigraphie est une technique beaucoup plus récente, qui s’est développée au 20e siècle, et qui y fut particulièrement sollicitée par des artistes du pop-art, surtout Robert Rauschenberg et Andy Warhol pour qui la disposition industrielle de cette méthode correspondait à leur approche conceptuelle de l’art pour tous.

La gravure continue de prospérer au 21e siècle, grâce à la croissante diversité des techniques permises par les nouvelles possibilités technologiques. Les indéniables motifs originaux qui motivent les artistes à se tourner vers la gravure sont d’une part l’élargissement du champ de possibilités de présenter leur production, et de l’autre que ces techniques créent souvent des accidents aussi inattendus que bienvenus qui entraînent alors l’artiste vers de nouvelles directions.

Tudor Davies, Directeur du département Art Impressionniste et Moderne chez Christie’s Paris (précédemment Directeur du Département des Gravures chez Christie’s New York).