Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize chez Private Choice

20.10.2017
Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize chez Private Choice, à Paris, du 16 au 22 octobre.

Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize chez Private Choice, à Paris, du 16 au 22 octobre.

Interview des artistes Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize pour memento

« Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize travaillent ensemble depuis plus de dix ans. Leurs dessins, leurs peintures et leurs sculptures témoignent de l’intérêt du duo pour le réel, l’insignifiant et le quotidien, dont ils ne cessent de prélever des éléments pour construire leurs œuvres. Chez Lamarche-Ovize, les figures, les images et les références se superposent, circulent pêle-mêle et sans complexes, sautant d’un médium au suivant, du papier à la céramique. Le duo fait tout ou presque lui-même, à quatre mains, assume et revendique son plaisir de l’objet, de l’hybridation et du décloisonnement, son goût du décor, du motif et du décoratif, aime s’entourer d’autres artistes et d’artisans. Leur travail a récemment été exposé à New York, au Mexique, en Espagne et en France et a fait l’objet d’une monographie parue aux éditions The Drawer en 2017. Invité dans la cinquième édition de Private Choice, conçue par Nadia Candet, Lamarche-Ovize présente dans le premier salon transformé en jardin d’hiver une dizaine de dessins et de céramiques récentes. Ils reviennent, avec The Drawer, sur leur travail et sur la sélection de pièces présentée chez Private Choice. »

 

Le dessin structure votre pratique et votre œuvre. Que représente-t-il pour vous ?
Pour nous, le dessin est le point de départ de toute pratique sinon de toute action. C’est un langage universel accessible et pauvre que l’on peut pratiquer partout, en toutes circonstances. Il recouvre des réalités et des matérialités différentes : c’est aussi bien le schéma, la carte et le dessin « d’ennui », que l’on fait pour passer le temps, que le dessin plus complexe et plus élaboré qui interroge l’histoire et la composition.

Pop, kitsch, grotesque, classique, exubérant, drôle, etc., votre écriture visuelle emprunte à une variété de styles et de registres et se prête à de nombreux qualificatifs. Quel est celui qui vous convient le mieux ?
Le style grotesque pour la pluralité de ses origines et de ses expressions. Il nous convient car c’est à la fois une exagération et un ornement. C’est un personnage et un motif. Cela peut être un dessin ou un volume. C’est une forme sérieuse qui ne se prend pas au sérieux et qui devient humoristique grâce à l’excès. C’est aussi un style qui a traversé les siècles et qui nécessite la reprise et la réinterprétation. Il représente un espace de transition, un décor, un frontispice.

Papier, céramique, carton, mur… vous multipliez les passages et les allers-retours entre tous les supports possibles du dessin. Lequel a votre préférence ?
Le papier du carnet, légèrement jaune avec cette grille qui rappelle le cahier d’école. Le carnet c’est la première idée, le premier trait, le premier croquis. Il y a toujours quelque chose de juste, qui promet un projet, une envie, une chose que l’on désire et qui surpasserait les réalisations passées. En même temps, ce premier dessin est fragile, maladroit, comme illisible. On ne le comprendra que plus tard lorsqu’il sera passé par les étapes et les transformations nécessaires (changement d’échelle et de technique, passage de la sérigraphie au volume, etc.).
Les carnets sont la base, la trame et le motif de nos pièces, de nos collages et de nos céramiques. Nous en exposons parfois des extraits sur de grands rouleaux qui se succèdent chronologiquement. Cela permet de montrer le fil et la construction de notre travail. Avec un dessin léger, donc puissant. Pas du tout gratuit.

L’une de vos dernières séries, réalisée après la visite des dioramas restaurés du muséum d’histoire naturelle de New York, s’intitule « Natural History Pattern ». Pourquoi ce titre et quelle est la place du motif dans votre œuvre ?
Le jeu et l’enjeu de cette série, qui date de 2016, c’était de perdre l’animal dans son décor, de faire que le sujet se perde au profit du motif, que le motif devienne le sujet. D’où le titre « Natural History Pattern ».
Le motif est important pour nous car il rappelle l’œuvre de personnalités qui jalonnent notre travail. William Morris, par exemple, fondateur du mouvement Arts & Crafts, qui créait des motifs de tapisserie dans sa fabrique et pensait l’art et le design comme un « élévateur » de vie et social. Utiliser le motif nous permet de revisiter ces théories et de les mettre en pratique. C’est pourquoi notre travail joue toujours avec le décoratif, le motif et le savoir-faire. C’est le cas de nos vases en céramique par exemple ou du chandelier Surtout réalisé l’année dernière avec We do not work alone. 

Les fleurs parsèment vos œuvres depuis le début de votre pratique commune : pourquoi cette récurrence et ce goût prononcé pour la nature, les jardins, le paysage ?
Les fleurs sont autant un motif noble de la peinture classique – l’école flamande de la nature morte avec couronne par exemple – qu’un motif amateur des cours du soir. C’est le motif des Arts Décoratifs par excellence. Elles peuvent aussi être des substituts, des portraits – comme chez Fantin-Latour dans ses coins de table. Ce sont des motifs et des leurres. La fleur peut aussi être la représentante unique, le seul motif prélevé d’un jardin.
Le jardin représente l’ensemble ou le classement de plusieurs motifs, il agence une composition de ces différents motifs.
Le paysage est, chez nous, plus urbain : c’est la petite maison pavillonnaire au milieu des grands ensembles qui peut aussi rappeler le jardin ouvrier. Le jardin ouvrier pourrait être une belle métaphore de nos désirs dans notre travail : un carré d’évasion, de culture, de fleurs, ayant aussi une fonction vitale. 

Quel est le lien entre les vues du jardin de Varengeville-sur-Mer réalisées au fusain et les céramiques colorées produites au Mexique qui sont présentés à Private Choice ?
Le motif encore et toujours : les fleurs peintes sur les vases mexicains sont des motifs observés et dessinés issus de notre voyage au Mexique ; les fusains de Varengeville sont un hommage au mouvement Arts & Crafts, dont le parc est inspiré, et au motif floral. Ces grands fusains pourraient être les cartons pour la réalisation d’autres vases. 

Votre œuvre, en perpétuelle construction, convie le regardeur à une véritable enquête plastique : en avez-vous la clé ?
La clé, non car c’est une recherche en cours, une enquête sur des personnages qui balisent notre travail, comme des vies et des points de vue à redécouvrir – ceux de William Morris, d’Elisée Reclus, le géographe de la Commune, de Rosa Bonheur… Leurs biographies s’entremêlent à la nôtre et à la construction de notre propre histoire au travers d’une collection d’objets.

« All we need » est le titre de l’édition de Private Choice qui vous accueille cette année. Et vous, de quoi avez-vous besoin ?
Comme dans le roman de Joris-Karl Huysmans, À rebours, dont le héros vit seul, entouré de ses livres et de ses œuvres d’art préférés, nous avons besoin de nous entourer d’objets et de personnages ; nous avons besoin d’apprendre de nouveaux savoir-faire, témoins de nos voyages et de nos rencontres qui façonnent notre propre fiction, en construction permanente.

 

diptyque est partenaire officiel de Private Choice, du 16 au 22 octobre.

Lamarche-Ovize, Inventaire, éd. The Drawer, 2017 & The Drawer vol.13 – Amour, parution mi-octobre 2017, disponibles chez Private Choice et sur www.thedrawer.net.