diptyque : cinquante ans de parfumerie

02.03.2018
Desmond Knox-Leet et Yves Coueslant devant la boutique diptyque du 34 boulevard Saint Germain.

Desmond Knox-Leet et Yves Coueslant devant la boutique diptyque du 34 boulevard Saint Germain.

Les années soixante comptent double pour diptyque, qui y naquit deux fois. En 1961, par la fondation de la Maison, petite boutique de raretés artisanales chinées lors de voyages ou de la main des fondateurs. Et par la création de L’Eau en 1968, où naquit sa vocation : celle de parfumeur.

Il est malaisé de se figurer le ravissement, la griserie esthétique que procura la boutique diptyque des débuts, mais les yeux pétillant de ceux qui y vinrent en disent plus long que leurs mots. Le 34 boulevard Saint-Germain était alors dans ce petit quartier populaire du Maubert des ateliers d’artisans, silencieux et industrieux, cosmopolite et bon marché, à trois pas du Saint-Germain noceur, noctambule et à la mode de ce temps-là.
Dans un mélange de musiques sacrées, de rock et de ballets symphoniques s’étalaient mille objets du monde entier, tous faits à la main, anciens comme contemporains, jouets articulés, vaisselle rare, porcelaines, chapeaux de lords et masques indous, cerfs-volants et oiseaux en bois, gravures préraphaélites, étoffes… tout un désordre précieux autant qu’abordable qui n’en finissait pas de se renouveler, car rien n’y provenait de l’industrie, toute quantité restait comptée. Une fois même des robes de haute couture des années trente, de Jeanne Lanvin et Paul Poiret, y furent en vente.
Les senteurs n’étaient pas en reste dans ce capharnaüm de félicités, encens, flacons de la grande parfumerie anglaise inconnue à Paris, et des pots-pourris en sachet aussi, faits maison…
Car les trois amis fondateurs de diptyque, Desmond Knox-Leet, Yves Coueslant et Christiane Montadre, combinèrent les trouvailles artisanales de leurs voyages à leurs propres créations. Textiles au début : férus d’arts graphiques, ils composaient les motifs de tissus qu’ils faisaient faire et imprimer par des artisans de leurs choix. Puis vinrent leurs créations de fragrances, d’abord par la confection de ces pots-pourris selon la recette ancienne d’une amie chère. Bientôt, en 1963, diptyque crée ses premières bougies, dont les formules avaient été pétries par Desmond à l’arrière de la boutique. L’évanescente voie du parfum se dessinait, de plus en plus nette.

En 1968, paraissait L’Eau, la première eau de toilette diptyque. Pour cette seconde naissance à sa destinée, diptyque réhabilitait une recette anglaise de pomander de la Renaissance à laquelle Desmond mit sa patte à la pâte avant sa mise en alcool, la nuançant à son goût, à son invention, et à son temps. Ce parfum de 1968 avait pour adresse la personne, soit personne en particulier, d’un genre ou l’autre. Une inconvenance de cachet pleinement de son époque dont les temps qui suivirent confirmèrent l’avance un peu plus chaque année.

Voilà donc cinquante années que diptyque se dédie à la création de parfums. Pour fêter cet anniversaire, et afin de le fêter doublement comme il se doit, diptyque a créé deux eaux de parfum : Tempo et Fleur de Peau, respectivement centrées autour du patchouli et du musc, en clins d’odorat à cette décennie des soixante, tant ces effluves parfumèrent ses remous, dont nous sommes les enfants.