Design de la lumière

24.10.2016
Lampe PH1 par Poul Henningsen

Lampe PH1 par Poul Henningsen

Invention et déclinaisons de la lumière indirecte, par Ásdís Ólafsdóttir

Lorsque l’écrivain, l’architecte et le designer danois Poul Henningsen (1894-1967) dessine ses premières lampes, vers 1924, l’ampoule électrique est en train de basculer de l’éclairage public vers celui d’usage privé. Elevé à la lumière des lampes à pétrole, Henningsen cherche à reproduire la douceur de l’éclairage de son enfance. Toutes ses créations visent à éviter que l’usager soit ébloui par l’exposition directe à la lumière électrique et à orienter la lumière dans certaines directions. Il faut se rappeler qu’à cette époque, les luminaires modernes sont soit des boules en verre diffusant la lumière dans toutes les directions, soit des plafonniers ou lampadaires à ampoule visible. En 1925, il crée avec l’éditeur danois Louis Poulsen une suspension à trois abat-jours, présentée à l’Exposition des arts décoratifs de Paris. C’est sa première lampe PH, d’une série qui comptera également des lampes à pied et des appliques. La plus célèbre est sans doute la PH5, suspension à quatre pans convexes et concaves, fabriquée en métal peint dans une grande variété de couleurs.

Réfugié en Suède durant la deuxième guerre mondiale, en raison de ses prises de position radicales, Henningsen continue à développer ses luminaires après son retour au Danemark. Son beau lustre PH Artichaut de 1957 est une version sophistiquée des premières lampes PH, fractionnant les pans en cuivre et ajoutant une dimension organique à son design fonctionnel.

L’architecte et designer finlandais Alvar Aalto (1898-1976) était ami de Poul Henningsen et connaissait bien son travail. Ses premiers bâtiments modernistes des années 1920, ainsi que son propre appartement, étaient éclairés par des lampes PH. Au cours des années 1930, Aalto crée ses propres lampes modernes, éditées par sa société Artek. La plus connue est la Cloche d’or, présentée à l’Exposition internationale de Paris de 1937. Comme son collègue danois, Aalto était préoccupé par le confort de l’usager, mais plus encore par la qualité chaleureuse de la lumière. Ses lampes, telles que Navet, Myrtille et Grenade à main, sont en général plus fermées que celles de Henningsen, donnant un éclairage ciblé. Aalto utilise fréquemment du laiton pour tapisser l’intérieur de la lampe ou pour former une baguette ajourée, créant ainsi une source de lumière chaleureuse.

Les années 1950 constituent la période la plus fertile dans le design de luminaires d’Aalto. Il éclaire ses nombreux bâtiments publics et privés d’une grande variété de lampes, en extérieur comme en intérieur. Le lampadaire Aile d’ange de 1955 superpose de fines lamelles en métal peint en blanc pour une lumière douce et diffuse ; la suspension Ruche est une boule en métal peint et en laiton, dont la lumière filtre vers le bas, le haut et latéralement. La Maison Louis Carré, édifiée pour le galeriste français près de Paris en 1959, comprend de nombreux éclairages spéciaux. Parmi eux, les lampes de la salle à manger sont une variante de la Cloche d’or, avec une ouverture expressive sur un côté afin d’éclairer les tableaux qui ornaient les murs de la villa.

Poul Henningsen et Alvar Aalto se préoccupaient tous deux de confort, de douceur, d’ombres et d’ambiance. Ils ont grandement influencé le design de luminaires du XXe siècle et continuent à illuminer nos intérieurs.

 

Ásdís Ólafsdóttir est historienne du design et directrice de la Maison Louis Carré