Dans le décor

14.11.2016
Le temple Salomon, décors de Philippe Ricquier de 1846 (source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

Le temple Salomon, décors de Philippe Ricquier de 1846 (source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

Du décor de théâtre, par Ève Mascarau

Pendant longtemps, le décor de théâtre a été considéré comme une surface plane devant laquelle se déroulait l’action. Lanterne magique, palais à volonté… il avait pour fonction de représenter un lieu dans une tradition descriptive.

Il faudra attendre la fin du XIXe siècle environ pour voir apparaître le décor en trois dimensions. Jusque-là, les décorateurs étaient des artisans professionnels extérieurs aux spectacles : ils travaillaient dans des ateliers chargés de produire des surfaces peintes réutilisables à loisir par les théâtres. Différentes fabriques, spécialisées par genre, de la féérie aux éléments naturels, pouvaient créer les toiles d’un unique spectacle, sans le souci moderne d’unité visuelle. Les décorateurs étaient à ce titre considérés comme de simples fournisseurs : les peintres étaient payés au mètre carré de toile !

Le rôle du décor s’est affirmé progressivement, par étapes successives : introduction d’objets en volumes, qui imposent de revoir la perspective proposée par le fond, suppression de la rampe, qui éclairait les acteurs par en dessous, mais surtout choix d’éteindre les lumières dans la salle. Autrefois événement social où l’on s’observait les uns et les autres, le théâtre se concentre désormais sur l’action dramatique et le plateau. L’image scénique s’autonomise et se soucie davantage de sa cohérence. Elle devient de plus en plus signifiante et impose un lien étroit et unique avec une œuvre et sa mise en scène : ses éléments se répondent entre eux et interagissent avec les comédiens, qui jouent non plus devant un décor mais avec et dans un espace.

 

Ève Mascarau est chercheuse et enseignante à l’École Normale Supérieure.