La Botanique, cette vieille branche

15.08.2016
Carl von Linné - Systema Naturae 
En 1735, Carl von Linné (1707-1778) publie le premier essai de classification systématique des trois règnes minéral, végétal et animal. Son Systema naturæ divise les animaux en six groupes (Quadrupèdes, Oiseaux, Amphibiens, Poissons, Insectes et Vers), déterminés en fonction d’organes spécifiques : dents, becs, nageoires ou ailes. La dixième édition, de 1758, généralise le système de nomenclature binomiale (un double nom latin, générique et spécifique, pour chaque espèce).

Carl von Linné - Systema Naturae En 1735, Carl von Linné (1707-1778) publie le premier essai de classification systématique des trois règnes minéral, végétal et animal. Son Systema naturæ divise les animaux en six groupes (Quadrupèdes, Oiseaux, Amphibiens, Poissons, Insectes et Vers), déterminés en fonction d’organes spécifiques : dents, becs, nageoires ou ailes. La dixième édition, de 1758, généralise le système de nomenclature binomiale (un double nom latin, générique et spécifique, pour chaque espèce).

La botanique, cette connaissance des végétaux, est vieille comme l’homme. Celui-ci s’est toujours nourri et soigné de plantes. Antiquités, Moyen-Age et Renaissance produisirent leurs œuvres de botanique. Mais celle-ci s’autonomisa comme science au XVIIIe siècle.

Les cyanobactéries, précurseurs des végétaux, auraient quelques 3.8 milliards d’années ; les premiers végétaux, selon définition, 475 millions d’années, et les fleurs 135. Les proto-primates seraient apparus il y a 60 millions d’années, se seraient dressés en hominidé il y a 7 millions d’années et de ceux-ci, l’Homo-sapiens – nous tous – aurions pointé le nez il y a 200 mille ans.
La désignation Homo sapiens est un binom latin, qui associe un nom de genre, Homo, à un adjectif d’espèce, sapiens. Cette nomenclature (méthode de classement et d’attribution d’un nom), établie par Car von Linné (1707-1778), est toujours en vigueur. Il l’a créée et mise en œuvre en tant que botaniste. La nomenclature binominale, suivie du nom de l’auteur et de l’année, s’est étendue à tout le domaine biologique.

Les pères fondateurs de la botanique moderne sont Joachim Jungius (1587-1657) John Ray (1627-1705) et Linné. Ils sont comme trois arbres qui cachent la forêt de grands savants qui concoururent, par apport et dispute, à la fondation de ce corps de science de « l’Histoire naturelle ». Si tout ou partie des contenus de savoir alors acquis ont été invalidés par l’évolution de la science moderne (révolution darwinienne du XIXe siècle, la biologie et les sciences du vivant), il demeure que la méthode, la systématisation, la discrimination des champs à considérer et de ceux à écarter, et la désignation adéquate qui les formulent, constituent des fondations qui en disent long sur l’ère nouvelle apparue après la Renaissance et qui n’a jamais pris fin. Tout a été contredit depuis, mais sensiblement dans et avec les mêmes termes.

En ce temps-là, la vie n’existait pas. Ni le vivant. Il n’y avait que des êtres vivants. Et les noms qui désignaient ceux-là étaient perçus comme cet être même : nommer une plante ou une bête, c’était convoquer tout ce qui la mentionne, autant sa réalité que ses usages médicinaux et magiques, comment la cueillir ou la chasser, les blasons qui la figurent, ses mythes et ses légendes. Tout était continu du fait à la fable.
Le travail entrepris par les savants d’alors, et parfait par Linné, fut celui de la taxinomie : classer en nommant, par la description et l’ordonnancement de ce qui était étudié. Il s’agissait d’établir un système de noms fixes et précis qui qualifient le domaine du visible : visible car représentable voire mesurable, à la différence du goût, du sentir et du toucher trop indéfinissables. L’invisible est naturellement radié de ce tableau phylogénique constitué de critères d’identité et de ressemblance. Linné décrit 8000 végétaux différents par sa nomenclature binominale systématique.

Cette nouvelle manière de produire une histoire, en l’espèce l’histoire naturelle des plantes, s’est construite par la rationalisation d’un rapport entre le regard et le discours. Cet aspect de la naissance de la science botanique a été étudié par Michel Foucault (1926-1984) dans Les Mots et les Choses, (au chapitre Classer). Les luttes furent âpres entre savants. Naturaliste dit « fixiste », Linné pensait les espèces vivantes créées par Dieu lors de la Genèse et invariées depuis. Buffon et les philosophes français, dont Diderot, partisans d’une approche épistémologique de la méthode contre le système linnéen, étaient favorables à la variation des espèces dans le temps (inassimilable à l’évolution de Charles Darwin (1809-1882) qui étudiera l’organisme des êtres vivants). Mais tous établissent des critères, décrivent, classent et ordonnent en nommant.

La science botanique née après la Renaissance et qui s’épanouit à la période classique est révolue. Sa science d’alors appartient à l’Histoire des sciences. Mais cette histoire-là est un mode de discours et une formalisation du récit scientifique dont la matrice littéraire est la botanique.