Art Basel

02.12.2016
Ernst Beyeler (© Kurt Wyss)

Ernst Beyeler (© Kurt Wyss)

Art Basel – la foire de Bâle – est la maîtresse rencontre de tous les acteurs influents de l’art mondial. Car comme cet art contemporain qui veut devancer et précipiter l’avenir, les responsables de cet évènement se sont toujours préoccupés des émergences esthétiques en visant l’avance.

Nonobstant une pléthore de foires concurrentes – près de 500 ! – une redistribution des rapports économiques mondiaux et une spéculation sur les nouvelles propositions artistiques, Art Basel reste la place des arts modernes qui prime. Elle s’était imposée dès sa première tenue en 1970. Allant au-devant des tendances depuis sa création, Art Basel s’est aussi ouverte à de nouveaux marchés en se démultipliant à Miami en 2002 puis Hong-Kong depuis 2013. Avec trois foires par an en trois endroits stratégiques, et y drainant les arts naissants qui formalisent les tensions et mutations régionales, Art Basel s’est mondialisée en devenant plus locale. En se rapprochant de foyers de rayonnement, elle y génère aussi des dynamiques novatrices. Autour des galeries et de leurs artistes qui y ont gagné leur présence après une sélection sévère, évoluent les commissaires d’achat des grands musées mondiaux, leurs directeurs, des curateurs d’exposition, conseillers artistiques, experts, spéculateurs, collectionneurs, ainsi que les non professionnels, le dit « grand public ».

C’est le galeriste bâlois Trudl Bruckner qui aurait eu en 1969 l’idée d’ouvrir la petite ville suisse de Bâle à l’art de son temps. Selon la petite histoire, c’est dans un petit bistrot, lieu de rencontre d’amateurs d’arts et de galeriste, qu’il en aurait soumis l’idée à deux amis galeristes, Balz Hilt et Ernst Beyerler. Parmi ces trois fondateurs d’Art Basel, ce dernier a une place essentielle : ce galeriste disparu en 2002 fut un des très grands collectionneurs et marchand d’art de son siècle, fort de la confiance de grands artistes dont Picasso. Il a laissé une fondation à son nom avec un musée à Riehen, près de Bâle, exposant environ deux cents peintures et sculptures couvrant de l’impressionnisme à l’ère moderne. Avec l’acquisition de la collection mythique du magnat de l’acier de Pittsburg, George David Thompson, Ernst Beyerler avait conquis une position parmi les premières de sa profession. Son autorité dans le milieu, et la considération et l’estime générale qui lui étaient portées, furent décisives pour assoir la volonté d’indépendance de la foire d’art de Bâle, par son choix d’exposer des galeries et des artistes aux seuls critères des propositions artistiques, hors de toute association ou connivence politique.

Art Basel est née à une période propice de début d’internationalisation du marché de l’art contemporain et de propositions artistiques reflétant le monde quotidien de la consommation, à commencer par le Pop Art. Le succès fut immédiat et n’a cessé de croître, tandis que de son côté la foire adaptait ses structures d’accueil et ses contenus thématiques. Dès 1974, la section « Nouvelles tendances » puis « Perspectives » en 79 se concentrent sur les évolutions en germe et les propositions novatrices. Des ouvertures avantageuses sont accordées à de jeunes artistes non représentés. La foire devient aussi une place d’échanges importante de la photographie, particulièrement aux 150 ans symboliques du medium en 1989. En 2000, la grande halle Theo Hotz accueille une nouvelle section « Art Unlimited » dédiée aux œuvres de formats monumentaux que galeries ou musées ne peuvent présenter, le plus souvent. En 2004, les « Art Basel conversations » proposent une réflexion sur l’art par des débats et tables rondes accueillant invités prestigieux et professionnels influents : Art Basel devient alors l’occasion de rencontres pour penser l’art contemporain. En 2006 est créé « Art Premiere » qui met en regard des amplitudes esthétiques, confrontant des artistes d’origines, de styles et de propos très éloignés, voire discordants. Les performances enfin intègrent aussi le programme.

Art Basel a su agrandir ses espaces d’exposition, notamment avec la nouvelle halle confiée aux architectes Herzog & de Meuron – bientôt appelés à concevoir le M+ Museum de Hong Kong dans le cadre d’un projet culturel de grande envergure à la pointe sud de Kowloon qui n’aurait jamais été initié sans la tenue préalable de Art Basel Hong Kong ( la foire d’art n’étant pas dans la tradition asiatique où prévalent les mises aux enchères). Enfin, Art Basel a multiplié les évènements connexes, générant une multitude de manifestations indépendantes tirant partie de l’attraction mondiale de ses occurrences si courues.

Art Basel est de son époque en ce qu’elle est une dynamique plus qu’un lieu : captant la présence de tous les acteurs de l’art dans ses succursales nomades re-localisables. Cette rencontre manifeste une géographie des richesses et catalyse les proactivités d’avant-garde. Cela le doit d’abord à ses équipes de direction et aux commissaires en charge des divers secteurs thématiques, experts acérés qui opèrent un tri drastique. Car être exposé à Art Basel est déjà un gage de réputation et de rentabilité – critère qui a cessé d’être à part de l’art.

 

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