Amphitryon

23.07.2018
Mounet-Sully Amphitryon - (photographie tirage isuu de l'Atelier Nadar (source Bibliothèque Nationale de France - Gallica)

Mounet-Sully Amphitryon - (photographie tirage isuu de l'Atelier Nadar (source Bibliothèque Nationale de France - Gallica)

Amphytrion, par Eve Mascarau

Le théâtre romain, moins connu que le théâtre grec, se différentie de lui de façon essentielle : il est le temps de l’otium, c’est-à-dire du plaisir, sans relation avec les devoirs civiques ou guerriers. Cette vacance du politique et du sérieux était encore plus visible dans la comédie romaine, qui permettait aux spectateurs de se retrouver autour d’une parole parfois chantée et dansée, propice au relâchement des énergies et des passions que les anciens avaient coutume de nommer la licentia ludicra ou « licence des jeux ».  

Partiellement issue de la Nouvelle Comédie grecque ou Nea, la comédie romaine se construit autour de trames convenues qui se déroulent, la plupart du temps, dans la sphère privée. C’est elles qui feront le terreau de situations théâtrales que l’on retrouvera bien souvent, plus tard, dans la comedia delle arte ou chez Molière. Ainsi y croise-t-on déjà de jeunes amoureux empêchés dans leur amour par un vieillard intransigeant, des valets facétieux ou encore des maris cocus. Dans ce cadre attendu, des personnages types, entêtés sur leurs positions, s’obstinent jusqu’à ce qu’un « coup de théâtre » vienne miraculeusement débloquer une situation insoluble.

C’est sur ce modèle que Plaute écrit Amphitryon, qui s’autonomise de mythèmes présents dans le théâtre grec : le personnage éponyme, de retour de la guerre, trouve sa femme Alcmène enceinte, qui l’assure pourtant de sa fidélité. C’est que Jupiter, jouissant de ses pouvoirs divins, s’est substitué au mari absent… Le spectateur, au fait de toute l’intrigue, s’amuse de la confusion provoquée par ce jeu de doubles, notamment grâce au personnage du valet Sosie, tellement fameux qu’il est devenu en nom commun permettant de désigner celui qui ressemble à s’y méprendre à un autre.

Promise à un long avenir, cette pièce sur l’identité pemet également de poser la question du théâtre et de sa puissance : jusqu’où peut-on jouer l’autre ? Comment être celui qu’on n’est pas ? Sur quelles bases repose cette croyance ? La convention dramatique est ainsi, sur le mode du plaisir et du rire, elle même mise en jeu.

 

Docteur en arts du spectacle, Eve Mascarau est chercheuse et enseignante à l’Ecole normale supérieure.