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21.01.2016
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L’emoji est le hiéroglyphe contemporain mondial des communications digitales. En l’intégrant à son système d’exploitation en 2011, Apple a ouvert les vannes d’une déferlante qui est plus qu’une mode : c’est un nouveau mode d’expression.

Il y a ce qui s’écrit. Puis ce qui se dit. Et il y a l’entre des lignes, ou bien certains silences disséminés parmi les paroles faisant saisir ce qui n’est pas formulé. Dans ce cas, ces silences s’appuient d’expressions faciales, de mouvements de mains, du corps, qui illustrent le propos tu et assignent un sens à ce qui est laissé sous silence. A l’écrit, c’est dans cet interstice de silence que se glisse l’émoticône, mot composé avec émotion et icône : une suite de caractères qui dessine le symbole expressif d’une émotion. Parce que le premier émoticône fut un sourire (découvert au XIXe, le premier smiley serait dû au poète anglais Robert Herrick du XVIIe siècle, dans To Fortune) le terme qui lui fut naturellement attribué, smiley (de smile, sourire en anglais), en vint à qualifier tout type de figuration en signes typographiques transmettant une émotion stylisée, même quand elle ne sourit plus du tout 🙁 .

Le pictogramme désigne tout dessin qui exprime un signe, commun à la signalétique internationale (panneaux, étiquetages…). L’émoticône est un genre du pictogramme qui exprime une émotion. L’emoji, mot japonais composé de « e » (image) et « moji » (lettre) désigne les émoticônes composés à partir de lettres utilisés dans les messages électroniques et pages web, créés au Japon à la toute fin des années 90’, leur encodage étant adapté à presque tous les types de systèmes d’exploitation depuis. L’origine culturelle de l’expression émotive du visage n’en demeure pas moins : tandis que l’occidental s’exprime surtout des lèvres, l’oriental privilégie les regards, aussi la richesse d’emoji cumule-t-elle des bouches ici et les yeux là. De nouveaux emoji se créent sans cesse, au point qu’il existe déjà une Emojipedia.

Les emoji sont donc ces petites images disponibles sur nos téléphones, parfois animées, qui permettent d’aller plus vite, de s’affranchir gentiment du soin de la formulation, d’infantiliser les rapports privés, voire professionnels, de mentir en cliquant un 🙂 alors qu’on souffle histoire de ne rien envenimer, ou de faire passer la pilule (« au fait, je vous règlerai la prochaine fois :)… merci… »), mais bien sûr de nuancer en jouant avec ce qui est écrit… Ce faisant, ils paramètrent l’infini éventail des sentiments humains en quelques risettes, rictus, moues, grimaces, froncements, fous-rires et courroux de connivence internationale standardisée. Or contre les apparences, rien ne dit que l’émoticône ne soit pas là l’effet plutôt que la cause d’une tendance générale à délaisser l’écrit formel pour l’image. Par ailleurs, c’est une pratique consubstantielle à l’humanité que d’illustrer et symboliser, au point de s’étonner de n’avoir pas encore vu de smiley tracé au charbon dans les cavernes des hommes de Cro-Magnon et Neandertal d’il y a peu, somme toute.

La médiation formelle, normée, qui repose sur la distance établie entre les personnes (et entre chacun et ses propres émotions) tend à disparaître. En truffant les communications d’émotions, l’emoji exprime la victoire de l’individu sur sa fonction sociale et ses attendus comportementaux. Il est une injonction au cool qui certainement humanise les rapports quotidiens en les libérant de contraintes un peu raides (>_<). Mais la mise en avant de l’émotion n’est jamais sans danger…

 

Bougie, palets parfumés et capsules d’une part, rébus, allégories et mise en œuvre digitale de l’autre: la collaboration de la créatrice de mode Olympia Le-Tan avec diptyque pour la fragrance Rosafolia sur le thème du sac féminin et exprimée par le rébus d’emoji « La clef de mon cœur est dans mon sac » s’accompagne d’une série exclusive d’emoji à télécharger ici 🙂