The Clock

05.29.2017
Image extraite de: Les 39 Marches (The 39 Steps) film réalisé par Alfred Hitchcock, sorti en 1935, adapté du roman éponyme de John Buchan.

Image extraite de: Les 39 Marches (The 39 Steps) film réalisé par Alfred Hitchcock, sorti en 1935, adapté du roman éponyme de John Buchan.

The Clock

Impassive clock! Terrifying, sinister god,
Whose finger threatens us and says: “Remember!
The quivering Sorrows will soon be shot
Into your fearful heart, as into a target;

Nebulous pleasure will flee toward the horizon
Like an actress who disappears into the wings;
Every instant devours a piece of the pleasure
Granted to every man for his entire season.

Three thousand six hundred times an hour, Second
Whispers: Remember! — Immediately
With his insect voice, Now says: I am the Past
And I have sucked out your life with my filthy trunk!

 Remember! Souviens-toi, spendthrift! Esto memor!
(My metal throat can speak all languages.)
Minutes, blithesome mortal, are bits of ore
That you must not release without extracting the gold!

Remember, Time is a greedy player
Who wins without cheating, every round! It’s the law.
The daylight wanes; the night deepens; remember!
The abyss thirsts always; the water-clock runs low.

Soon will sound the hour when divine Chance,
When august Virtue, your still virgin wife,
When even Repentance (the very last of inns!),
When all will say: Die, old coward! it is too late!”

 

Charles Baudelaire (1821-1867), translation from William Aggeler, The Flowers of Evil (Fresno, CA: Academy Library Guild, 1954

L’horloge

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit :  » Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,

Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voix
D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !  

 

Charles Baudelaire (1821-1867), poème extrait du recueil Les fleurs du mal.

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